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Jijel, Archéologie d'un espace |
Le nom de Ziama Mansouriah évoque deux sites archéologiques, sur l’un est construit la cité de Mansouriah créée par le souverain de Béjaïa El Mansour el Mountasar, et sur l’autre à Ziama les vestiges de l’antique Choba. Selon certains chercheurs, parmi eux Cat, Le vocable Ziama pourrait provenir du nom de la tribu « Zimizes » connue grâce à l’inscription de 128 trouvée à Jijel et qui était cantonnée selon la table de Peutinger entre Chullu et Igilgili. Mais le site de Choba remonterait probablement à l’époque punique.
Son histoire avant la période romaine et le début du Ie, nous est totalement inconnue. Il en est ainsi car les premiers explorateurs français avaient négligés les vestiges et inscriptions puniques et libyques. Et depuis ce temps, aucune fouille algérienne n'est venu combler ce hiatus. Choba la romaine a été crée sans doute durant les règnes de Nerva et Trajan, en même temps que la colonisation de Sitifis, de Cuicul et de Satafis. Cependant, sa promotion en municipe remontrait à l'empereur Hadrien (118-128), puisque celui-ci est qualifié dans une inscription de conditor municipe, c'est à dire fondateur du Municipe ou de la cité.
Les ruines romaines de Chobae se trouvent à une quarantaine de km à l'ouest de la ville de Jijel, sur le littoral à l'endroit qu'on dénome Ziama. Elles s'étalaient sur un petit promontoire de 10 à 15 mètres au dessus du niveau de la mer, à droite de l'embouchure de l'Oued Djermouna qui descend des Béni Segoual, avant que le site ne fut complètement détruit après la construction de la cité Azirou et d'autres édifices publics ainsi que lors de l'élargissement de la route nationale n°43, par une entreprise italienne!.
Au tout début de la colonisation, Pelletier, inspecteur des Bâtiments civils à Bougie, en a fait une description de la cité antique. Il fut fasciné par «les reste du mur d'enceinte qui annonce une ville assez importante». Il disait que «le rempart qui mesurait 350 mètres, sur les endroits où il se dressait à toute la longueur du plateau, était assez bien conservé». Le mur est haut de 4 mètres, défendu, de distance, par des tours carrées. La meilleure description faite du mur l’a été par L. Féraud, présent à côté de la colonne expéditionnaire du Babor en juin 1865 : « Vue de l’extérieur, cette muraille présente une surface unie, mais en l’examinant de l’intérieur c'est-à-dire du côté qui fait face à l’Ouest, elle offre l’aspect d’une série d’arceaux en maçonnerie dont le vide entre les pieds-droits aurait été rempli après coup par une seconde maçonnerie de petit appareil ». Lors du tremblement de terre qui détruisit Jijel en 1856, des secousses violentes se firent sentir à Ziama ; quelques pans de mur de l’ancienne enceinte s’écroulèrent.
Dans la partie haute de l'antique cité, Féraud parle encore, «des ruines d'un mausolée, auprès d'une petite fontaine, d'où a été probablement extrait un sarcophage en calcaire grisâtre, traîné à quelques pas plus bas».
Cette oeuvre locale, a été décrite par Jean Pierre Laporte comme ceci: «On distingue au centre le bas du lit (de repos ou de repas), sur lequel le défunt était représenté en train de banqueter, entouré à droite de son épouse assise sur un siège, à gauche, des serviteurs portant (en général) des provisions. Ils sont encadrés ici de deux génies funéraires, une jambe repliée derrière l'autre tendue, la grande torche renversée, la flamme vers le bas, symbolisant la mort.
Aux extrémités droite et gauche, on notait enfin deux danseuses, un voile gonflé par le mouvement au dessus de la tête (l'un des dessinateurs a mal compris le personnage, et a affligé la danseuse d'une grande barbe!).
Les motifs sont classiques, même si leur union paraît plus rare.
De la cité et de «l'enceinte qui encadrait une ville pouvant avoir une superficie de 16 hectares», selon les propos de Pelletier, il ne s'élève malheureusement aujourd'hui, que quelques dizaines de mètres. Á ses pieds on rencontre plusieurs substructions antiques, des pans de mur, des fûts de colonnes, des pierres funéraires dont celle mentionnant le nom Barbaranus. Un motif visible entre deux arcs, que j'avais remarqué en visitant une maison, a échappé à plusieurs générations d'archéologues et de visiteurs, et n'a jamais été mentionné.
Nous dévelloperons plus tard ces données inédites après leur publication.
ہ l'extérieur de l'enceinte de la ville, vers le nord est la nécropole romaine. Selon Pelletier; «la plupart des sépultures sont très modestes. Ce sont des espèces de grandes auges, dont le plan trace un carré long arrondi sur un de ses petits côtés. Par une disposition assez curieuse, ces tombes sont accouplées par deux et même d'avantage.». Un monument tumulaire disparu dominait ce cimetière antique.
Aujourd'hui, il ne reste plus grande chose de cette étonnante nécropole. La majeure partie des tombes sont ensevelies sous les édifices publics construits durant les années 80 et 90 (Centre de formation, écoles, galerie, etc. ...), ou jetées à la mer par des buldozers affectés à l'élargissement de la route nationale reliant Jijel à Béjaïa. Les badauts n'avaient alors qu'à ramasser les objets funéraires exhumés par les pelleteuses pour les proposer aux italiens en charge de ce projet.
Aux alentours de Ziama, partant à la recherche d’autres ruines, L. Féraud releva «une inscription tumulaire sans importance»!. Elle devrait être libyque ou berbère. Puisque à cette époque on privilégiait les inscriptions latines à celles lybico-berbères...On réparera ce déficit, au fur et à mesure de nouvelles découvertes.
On y a comptabilisé une vingtaine d’inscriptions, dont certaines n’ont pas été répertoriées, ainsi que plusieurs objets et pièces de monnaies de différentes époques. Malheureusement, elles ne sont pas soumises au verdict de la science.
C'est parmi les débris de constructions, que Pelletier a découvert les deux premières inscriptions, dont l'une nous a donné le nom antique de la cité: Municipium Aelium Chobae, titre qu'elle tiendrait d'Hadrien ou d'Antonin le Pieux. C'est ce que nous semble nous montrer la dédicace des thermes en 196.
Voyons en détail quelques unes d'elles.
Inscription | Transcription & Description |
I. La dédicace à C. Vibio Phaedro & VibiaDIS MANIB.C. VIBIO PHAE DRO ET VIBIAE OVINIAE CON IVGI PARENTIB PISSIMIS PO SVIT VIBIA APHRO DISIA FILIA |
Voici comment Berbrugger a dévellopé et traduit ce document épigraphique «Dis Manibus/ Caio Vibio Phae/ dro et Vibiae/ Oviniae Con/ jugi Parentibus/ Piissimis Po/ suit Vibia Aphro/ disia Filia » « Aux Dieux Mânes ہ Caïus Vibius Phaedrus et à Vibia Ovinia, son épouse, Vibia Aphrodisia, leur fille, a élevé ce monument. » On remarquera que l'âge des défunts n'est pas mentionné |
II. La dédicace des thermesIMP. CAES. L. SEPTIMIO SEVERO PIOPERTINACE (sic) AVG. BALNEAE MVNICIPVM MVNICIPII AELII CHOBAE PP. FACTAE DEDICANTIBVS FABIO M. FIL. QVIR VICTORE M. AEM. FIL. ARN. HONO RATO II VIRVS A. P. CLVII |
Inscription très importante qui nous a donné le nom du municipe de Choba. C'est cette dernière qui a été retrouvé par mes soins en 2010, à Jijel. |
III. La dédicace à Julius CupitusD M SC IVLIVS CVPITVS V A LXXXXI |
Inscription gravée sur une tablette de marbre blanc relevée par le colonel de Neveu en 1856, dans un cadre terminé en haut par un fronton arrondi. Au centre du fronton est un croissant surmonté d’une croix (probablement le symbole du soleil!). V. Germex, dans la revue africaine a cru decelé dans le dessin de la croix, « qui a ses branches d’égales dimensions », un soupçon de chrétienneté. Cependant, il remarque avec intelligence que;« la croix et la formule Dis manibus sacrum, indiquée par les abréviations D. M. S., sont deux choses qui s’excluent l’une l’autre ». Ce signe est fréquement utilisé dans les épitaphes africaines et désigne sans doute le soleil, symbole d'une croyance païenne astrale accompagnant celle du croissant lunaire. «Diis Manibus Sacrum Caius Julius Cupitus Vixit Annis 91 » « Monnument aux Dieux Mânes Sacrés Caïus Julius Cupitus a vécu 91 ans. » |
IV. La dédicace à l'empereur HadrienDIVO HADRIANO CONDI TORI MVNIC IPI I SECVNDVM DECRE TVM ORDINIS STATVAM PEDVM VII QVAM MVNICIPES MVNICPIIAE CHOBA EPPD CREVERANT AVCTIS PEDIBVS ......... .............. |
Cette inscription a disparu et nous ne possédons qu'un simple dessin. Divo Hadriano, con/ ditori municipii, secundum / decretum ordinis statuam/ pedum VII quam municipes/ municipii Aelii Chobae p(ecunia) p(ublica) de/ creverant auctis pedibus/ <---- » « La fin de l'inscription manque mais le sens général est assez clair. Il a été prévu d'élever une statue de 7 pieds (2,10 m) à l'empereur Hadrien qualifié de divus, divin, donc après sa mort en (118-119), fondateur de la commune (un municipe), selon le décret du conseil municipal. Le conseil municipal a, de son côté, augmenté l'importance du don, soit en accroissant la taille de la statue, ce qui parait peu probable, en raison des dimensions de la base, soît plutôt en votant le crédit nécessaire à une base de tant de pieds de hauteur. » |
Plusieurs autres inscriptions furent retrouvées après l'indépendance. Mais les dégâts irrémédiaux faits au site le seront dans les années 80 lorsqu'on construisit dessus plusieurs édifices et maisons détruisant des dizaines d'inscriptions et d'objets. La cité romaine fut défigurée complètement pour qu'une tentative de sauvetage y soit possible. Il ne reste qu'à ramasser le peu d'inscriptions que le hasard voudrait bien nous les montrer.
Nous allons maintenant énumérer quelques unes déjà étudiées par Pierre Salama et Jean Pierre Laporte, et bien évidement nous tenterons une première explication dans le prochain paragraphe de celles qui furent retrouvées par nos soins, on en dénombre trois, plus une exposée au musée de Jijel.
Inscription | Transcription & Description |
I. La dédicace au génie du municipeGENIO MVNICIPII AVG SACRVM D D P P |
Sur une base de calcaire, dédicace au Génie du municipe, sorte d'ange gardien qu'avait toute cité. «Genio Municipii Augusti Sacrum D(ecreto) D(ecurio) P(ecunia) P(ublica) » « (Statue dédiée) au génie auguste (protecteur) du municipe (par décret des décurions, au frais de la ville) » |
II. La table de mesures (rabo)La table vue de face |
Cette table a été découverte par Pierre Salama. Il en a fait une étonnante et savante étude. L'inscription inscrite sur un côté, nous donne la mesure officielle de capacité en vigueur dans la Choba romaine, le rabo (environ 26 litres). L'inscription du RaboRABO PVBLICVS MVNICIPII AELII CHOBA « Rabo publicus Municipii Aelii Choba » « Rabo (table de mesure) public en vigueur au municipe de Choba (marché) » |
je me suis rendu à plusieurs reprises à Choabe, J'en ai découvert des inscriptions.Une première fois lors de la journée d'étude sur Ziama en 2005, on y a découvert couché sur une flaque d'eau boueuse un autel portant l'inscription de Barbaranus. L'été d'ensuite à la plage de galet d'Azirou, un fragment d'épigraphie, celle que j'ai appelé de Cornius. Enfin, au cours d'une discussion avec un ami, celui m'a remis une photo d'une inscription romaine très bien executée mais cassée. Elle fut prise quand on a détruit le site au niveau de la nécropole lors de l'élargissement de la route nationale n°43. Sans égards aux antiquités, on a effacé ce qui subsistait de la nécropole romaine et le reste jeté à la mer toute proche. Enfin je parlerai d'une déposée au musée de Jijel. Quand à une stèle que je n'ai pas vue, elle est entreposée dans la cour d'un particulier.
Voici les descriptions de celles que l'on vues.
Inscription | Transcription & Description |
I. L'inscription de Barbaranus |
Cet autel a été trouvé en 2004 à Ziama, lors de la journée d'étude sur Choba Municipium. Malgré la présence de plusieurs archéologues algériens, personne n'a eu l'envie d'en faire une étude ou une description pour publication. Il a fallu que ce soit des français qui s'y intéressent. D MAELIAE ARTEMI DI ET TROFI MI EIUS BARBAR ANVS CONIVX Pierre Morizot a proposé la lecture suivante «D(is) M(anibus) / AELIAE / ARTEMI/ DI / ET TROFI/ MI EIUS / BARBAR / ANVS / CONIVX » Il ajoute, étant donné l'état de la pierre, "Conjux" est probable mais pas certain. |
II. L'inscription de Cornelius |
Fragment d'épitaphe sur pierre en calcaire trouvée à la plage de Chobae. Légère moulure sur les bords. D MCORNI FRO ...... XX ........... Selon Pierre Morizot, à la place de "Cornius", cognomen inconnu, il faut lire "Cornelius", suivi des lettres "Fron" ou "Frox" qui permettraient la lecture "Fronton" ou "Ferox". A noter que Cornelius Fronton est, comme on le sait, un grand avocat originaire de Cirta, mais il s'agit probablement d'un homonyme. |
II. L'inscription de l'aedileV L ………………… SVA QV …………………… DIVS HO …………………… AEDIL IIV …………………… CVRANTE ………………………… D D… |
Dédicace trouvée à Chobae dans les années 80. Cette pierre est partiellement endommagée. Nous possédons que cette photo et on ne l'a pas retrouvé depuis. |
Inscription du Musée de Jijel | |
II. L'inscription d'Assinus VictorASS VICT°R IVN ARN ° AVTA FEC |
Tablette trouvée à Ziama mentionnant un certain Assinus Victor déposée actuellement au musée de Jijel. D'après un estampage fait par mes soins. «Assinus Victor Jun Arn(ensis) [Tribunicae] Av(i)ta (1) Fec(it) » « Dédicace faite à Assinus Victor de la tribu Arnensienne, Avita l'a faite en sa mémoire » (1) Dans l'inscription le "I" et le "T" de Avita font ligature. Avita est le cognomen féminin de Avitus. Sa position n'est pas définie. Est ce la femme, la soeur, ou la fille de celui auquel est destiné la dédicace? |
Plusieurs pièces de monnaie ont été dénombrées à Choba. On citera comme exemple :
Mais tout ceci est incomplet et ne saurait mesurer l'importance du site de Choba à ces quelques objets.
Numismatique | Transcription & Description |
I. AversIMP CAES DOMIT AVGGERM P M T P III |
Denier d'argent trouvé dans les ruines de Ziama, par le captaine Lenoble, chef du bureau arabe de la localité, et donné au capitaine Bugnot, commandant le génie de Gigeli, qui en a fait une communication dans la revue africaine de 1867. «Imperator Caesar Domitianus, Augustus, Germanicus, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis III » |
I. ReversIMP XXII COS XVI CENS P P P |
Pallas casquée et ailée, marchant à droite et tenant une haste et un bouclier. Autour: «Imperator XXII, Consul XVI, Censor Perpetuus, Pater Patriae » Le denier est classé parmi les inédits, a été frappé vers 95 de J.-C., sinon dans cette année même. |
On connait trois évêques à Choba.
MAXIME: Il figure le troisième parmi les ةvêques de la Maurétanie sitifienne qui, convoqués par un édit du roi Hunéric en 484, se réunirent à Carthage en une assemblée générale et furent envoyés en exil à cause de leur profession de foi catholique avec leurs autres