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Jijel, Archéologie d'un espace |
Cet article est un résumé de la communication faite à Jijel, durant les journées pour la protection du patrimoine du mois d'avril dernier [2009], par l'archéologue Slimane Hachi du CNRAPPH d'Alger. Le texte a été enrichi par d'autres sources, d'autres chercheurs qui ont étudié la période de l'ibéromaurusien. Si bien que ce n'est plus vraiment un compte rendu de l'intervention mais un clin d'oeil attentif à l'ibéromaurusien et à son environnement. Et les Babors, sont un des parterre et exemple des plus adéquats pour en parler.
L’archéologue Slimane Hachi, est directeur du CNRPAH d’Alger (Centre national de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques) et découvreur de la fameuse figurine en terre cuite, dans la grotte d’Afalou Bou R’mel, décrite dans un de ses article [1] parmi des « objets, inhabituels dans le contexte ibéromaurusien », et qui pourrait sans doute faire reculer l’apparition de l’art préhistorique nord africain de plusieurs milliers d’années. L’idée de genèse de cet art, a été confortée, après la découverte fortuite par C. Claxon, dans l’abri de Tanou Hat, d’un autre fragment de céramique de forme circulaire. S’est alors véritablement posé pour les spécialistes, « le double problème des origines, et de l’ancienneté de l’art mobilier figuratif et de la céramique, en Afrique du Nord ».
Le site d’Afalou Bou R’mel est un abri sous roche avec une stratigraphie complexe [2]. Il est situé dans la Petite Kabylie, dans la région côtière des Béni Segoual. Cette partie septentrionale des Babors, regorge de ressources abondantes : une végétation luxuriante, des grottes, des sources d’eau, d’un gibier diversifié et d’une protection naturelle, propice à une installation humaine durable. Ce sont les niveaux de l’ensemble ibéromaurusien qui ont révélés les squelettes humains. D’après une étude des os, les hommes d’Afalou, les Mechtoïdes des Béni Segoual, avaient vraisemblablement vécus dans des conditions favorables [3].
Dans son intervention à Jijel, au cours des
journées du patrimoine, Slimane Hachi, a axé sa
plaidoirie sur la préhistoire des Babors, entité
géographique qui le captive et
l’intéresse, au point d’y consacrer
beaucoup de ses recherches. Selon l’archéologue,
et c’est tout à fait évident, le massif
impressionnant des Babors a été habité
par dès vagues successives d’hommes
préhistoriques. Il constitue une unité
biogéographique complète (géologique,
biologique géographique,…), et jouit
d’un climat humide à subhumide.
L’une des civilisations les plus brillantes et les plus
en vue, dépositaire de ce lieu, est dite civilisation
ibéromaurusienne. Elle a vu le jour il y a au moins 18
à 20 mille ans, puis s’est naturellement
étalée dans le temps, jusqu'au Xe
millénaire environ, et dispersée dans
l’espace géographique de cette région.
L’Ibéromaurusien
est très
manifesté dans les Babors. Les hommes porteurs de cette
culture, ont vécu dans les petites grottes, dans les abris
sous roches, et occupé des habitats de plein air, fort
nombreux. Décrits comme des hommes de Mechta El
Arbi(Constantine), ils sont tout aussi connus dans la grotte
d’Afalou Bou’Rmel (Béjaïa), et
celles de Taza et Ziama (Jijel).
Plusieurs sépultures furent ainsi découvertes dès fois structurées en nécropoles. Partout des squelettes
complets ou non furent mis à jour et sa façon
d’inhumer appréhendée par les
chercheurs. Les
sépultures individuelles ou multiples nous
révèlent des mises en terre des individus, en
position fœtale, qu’accompagnent des offrandes.
Les inhumations dans ce même lieu prouvent que cet humain
avait investi ce territoire de sa symbolique. Il connaissait donc
intimement le secteur où il s’abritait et
pratiquait la
chasse pour sa survie.
À partir de certaines fouilles, il fut mis en
évidence la diversité de son alimentation.
Produits de la cueillette, de la chasse et produits de la mer
étaient à son menu. Sa nourriture
était variée, il mangeait le mouflon _ 80% des
restes d’ossements retrouvés appartenaient
à cette espèce_ qu’il
appréciait, et autres produits de la mer, coquillages,
moules, poissons, patelles et turritelles.
L’outillage lithique découvert sur les sites archéologiques
montre surtout une fréquence du débitage
lamellaire sur silex avec une tendance à la miniaturisation.
La grande proportion de lamelles, autre caractéristique de
l’ibéromaurusien, est dite « lamelles
à bord abattu ». Mais, ce qui est
tout
à fait exceptionnelle, c’est le penchant
à la manifestation artistique de ces humains,
illustrée, comme on le sait maintenant, par la petite
œuvre d’art, sous forme de figurine en argile
retrouvée à Afalou, par le chercheur S. Hachi.
Son âge, remonterait à la période
comprise entre 11000 et 18000 ans. Son auteur la décrit de
cette façon :
« l’aspect
général de la figurine suggère la
représentation d’un animal à
tête allongée », puis il continue plus
loin en disant que « ces caractères font penser
à un animal de la famille des Bovidae ».
D’autres découvertes, confirmèrent
définitivement cette hypothèse, des objets en
céramique, des figurines zoomorphe en terre cuite
exhumées du site de Tamarhat, mettant
définitivement fin à l’affirmation
ancienne : Point d’Art
Ibéromaurusien.
Ces objets
sont rangés parmi les œuvres les plus vieilles
d’Afrique, et même du monde.
La pensée métaphysique est également présente dans les rituels qu’accompagnent l’inhumation des morts à côté de l’avulsion dentaire systématique des incisives du maxillaire supérieur, dont la signification est très mal cernée. Es ce un rituel magique, social ou religieux ? L’avulsion indique t-elle le passage de l’individu à la puberté ? Ou bien son accès au groupe des adultes ?
Poursuivant son énoncé, il dressa un
concept montrant la relation entre les ibéromaurusien et le
substrat qu’est le massif des Babors. Il le résuma
ainsi :
« Cette population qui maîtrisait son
territoire et ses ressources alimentaires terrestre et halieutiques,
fait partie de la masse d’autres ensembles que l’on
désigne par populations territorialisées.
Marquant
le début de la sédentarisation, avec une
mobilité circonscrite dans la zone de chasse et
d’exploration.
Cette ’’civilisation des
Babors’’, si on peut l’appeler ainsi,
avait donc développé une industrie lithique
propre et des manifestations artistiques, métaphysiques et
psychiques visible dans toute la contrée».
D’autres recherches et fouilles, ne manqueront pas de nous étonner, vu l’immensité des Babors et ses niches géologiques et naturelles encore inconnues.
Karim Hadji