jijel-archeo |
Jijel, Archéologie d'un espace |
Avant d'entamer la discussion sur les deux bornes du XXIIe mille, au vu de nouvelles informations en notre possession, décrivons les ciconstances qui nous ont ammenés à aller visiter le site d'El Oulidja aux Béni Yadjis, que l'on appelle également par M'sala Adel, proche de M'daka au dessous des Zelazel.
Comme prévu, après avoir eu connaissance de la probable existence d'une borne milliaire à El Oulidja près de Saida (photo de droite), nous primes un ami à moi, membre de l'association Maâlem de Jijel, rendez-vous avec un habitant de Saida qui connaît exactement le lieu où l'on pourrai la retrouver.
Rendez-vous fut pris donc pour le vendredi 02 mai 2008.
Ce jour là, nous arrivons à
Saida mechta de Béni
Yadjis à 11 heures environ.Il faisait chaud. Nous
prîmes contact avec le sieur Yazid Bezir, ami et guide qui
nous présenta tout d'abord la région en nous
citant les opportunités de découverte dans la
massif de Tamesguida ainsi que les vestiges non connus de nous tous.
Du
haut du mont Tebbala, il
nous montra les chemins qui
mènent vers El Oulidja, lieu d'existence de la borne,
située au sud-ouest de Saïda à environ
un kilomètre à vol d'oiseau.
Entre les deux versants coule l'oued Akabal. L'endroit appelé Zelazel fut le lieu d'un important glissement de terrain, dont on remarque encore les traces.
La descente semble facile mais le retour sera probablement éreintant, mais malgré, le fait d'être en face d'une inscription antique est déjà une grande joie.
Dans l'impossibilité d'y aller tout de suite ensemble, j'y résous avec l'accord de mes deux accompagnateurs de partir seul. J'en profite alors pour prendre quelques photos des lieux et des paysages, tout en descendant, convaincu que je serai rejoins dans une heure et demi au maximum par mes amis Yazid et Sofiane.
Je ne fus point déçu, marchant dans un silence indescriptible, je fus émerveillé par ses paysages qui s'ouvraient à moi, poursuivi par le parfum subtile des genêts en fleur. Des champs de coquelicots et de moutardes sauvages agrémentent cette ballade de leurs coloris.
J'arrive enfin sur l'autre rive de l'oued Akabal, un affluent de l'oued Djen Djen. Là je rencontre les Bouchair Mohamed et Ahmed qui nous ont été d'un grand secours pour la localisation de la première borne. Extrêmement gentils et généreux, ils ont aussi déployés tant d'effort pour la retourner et la nettoyer. Effectivement, la borne en question, à notre arrivée, gisait au milieu d'une végétation où il serait très difficile d'entrevoir quelque chose. L'inscription se trouvant du côté ou la pierre colait au sol. Des efforts et des bras furent nécessaires pour la retourner du « bon côté ».
Au premier oeil, j'ai tout de suite reconnu l'inscription SEPTIMIO SEVERO, avec au début IMPPP CAE... signifiant que trois empereurs seraient cités ici. On était en face d'une dédicace aux Sévères. Il y fait aussi mention de la ville d'IGILGILI, lieu à partir duquel était compté le milliaire. Il est posé au XXIIe mille (trente kilomètres environ). C'est le deuxième milliaire où l'on retrouve le nom de la ville d'Igilgili, après celui qui est déposée au musée de Jijel (un Maximin). Nos amis et les gens de Saida sont entièrement disposés à aider les autorités concernées par la conservation du patrimoine à Jijel, pour le transport et l'acheminement de cette borne vers un lieu sur au vu de la difficulté du terrain ou il est adéquat d'utiliser selon eux, une traction animale.
Profitant d'une pause déjeuner avec nos amis qui nous ont bien gratifié, nous leur expliquons l'intérêt de la sauvegarde des inscriptions et des vestiges en général, qui pourrait servir leur région du point de vue tourisme culturel. Le lieu ne manque pas d'attrait. Nous avons fait preuve de pédagogie en leur expliquant ce qu'il y avait d'écrits et étaient fiers de voir le nom antique de Jijel [AB IGILGILI], comme nous d'ailleurs, gravé sur une « pierre de chez eux » et qui possèderai approximativement l'âge de 18 siècles.
D'une grande réceptivité, un jeune même nous proposa d'aller découvrir une autre inscription tout près de là et nous le fîmes expressément. Effectivement, à quelques dizaines de mètres il y avait gisant dans un petit ruisseau un morceau de colonnette aux inscriptions visibles (photo de gauche).
Le millaire mentionnant l'empereur GordienCe vraisemblable morceau de milliaire, mesure 52,5cm de hauteur et 38cm de diamètre, la hauteur des lettres varie entre 4,7cm et 4cm, et l'interligne est de 2,5cm .On y a tout de suite repéré le terme GORDIANO, bien visible. Puis on pouvait lire MARCO ANTONINO, noms qui ne s'appliquent qu'à l'empereur Gordien III (238-244).
Concernant la première borne, après avoir relevé les inscriptions, on peut estimer qu'elle fut dressée sous le règne de Septime Sévère (193-211 après l'ère chrétienne), a son troisième consulat. Les années de sa puissance tribunicienne ne sont pas indiquées. Seulement on remarque que c'est après s'être associé son fils, Marcus Aurelius Severus Antoninus, surnommé Caracalla, puisque celui-ci y est nommé, que l’on peut esquisser une date postérieure à l'an 196. Son deuxième consulat y est également indiqué, ce qui facilite sa datation. Mais arrêtons-nous là, pour indiquer que plusieurs lignes placées immédiatement au-dessous de celle où figure le nom de Caracalla, ont été effacée au ciseau avec une intention bien visible. Or, rappelons-nous que le fils aîné de Septime Sévère, croyant faire oublier à jamais le souvenir de son fratricide, ordonna de faire disparaître, partout où on l'avait placé, le nom de sa victime. C'est ce que l'on a évidement fait ici, et ce qui nous permet de reconnaître que l'inscription mentionnait avec le nom de Caracalla, celui de Geta !, ……. Mais je pense que c'est inutile d'aller encore loin puisqu'elle a déjà été décrite en 1981. (AE 1981, 0922a) (voir les explications de Pierre Salama ci-dessous).
Karim Hadji
C'est en relisant l'article de Pierre Salama, sur les voies antiques de Sitifis à Igilgili, que j'ai voulu apporter des rectifications au précédent sujet. Premièrement, le milliaire de l'époque des Sévères que nous avions trouvé, a été déjà décrit par P. Salama, en 1980. Une remarque s'impose encore. Les coordonnées Lambaires du lieu de notre trouvaille, ne correspondent pas à celles de P. Salama. Le notre est plus proche de Mechta Terfia, là où Stéphane Gsell a décrit un milliaire de Maximin le Thrace. Un milliaire similaire, le premier, se trouve au musée de Jijel.
Si on récapitule tout en consultant la carte, on dira;
On ajoutera également qu'il n'a jamais été fait mention par le passé d'un milliaire de Gordien III, justement retrouvé par nos soins près de la borne des Sévères à El Oulidja. Il serait alors inédit.
Notre point (en vert) est à mi-chemin des deux anciennes découvertes (en rouge et bleu). Ne faudrait-il pas ainsi, converger les deux lieux de découverte de Mechta Seridja et de Mechta Terfia, vers un seul lieu unique, celui indiqué en vert dans la carte. Cela reconcillierai tous les XXIIe mille de Béni Yadjis.
Milliaire des Sévères | Description de Pierre Salama |
Les titulatures IMPPP CAE............EPTI / MIO SEVER..........IO / PERTINACE AUG ARA / BICO ADIABENICO / PART ICO MAXSIMO. / P P COS III IMP CAES / M AURELIO ANTONI/ NO PIO FELICE AUG P P / COS II ................................. / ............................................. / ............................................. / ............................................. / AB IGILGILI M P / XXII / Le palimpseste D N IMP L / DOMITIO / ALEXA . DRO / INVICTO PIO FE/ LICI A . GUSTO COS La distance d'Igilgili ............................................. / AB IGILGILI M P / XXII / |
Les photos de gauche montrent les détails de l'inscription, la partie haute avec les titulatures, la partie du bas avec le palimpeste et la localisation du milliaire, avec le chiffre XXII exceptionellement stylisé.. La photo du millaire des Sévères en entier Cette
borne a déjà
été étudiée par Pierre
Salama. Voici comment il l'a
décrite:
Selon P. Salama, «la numérotation (du milliaire), nous donne une représentation assez originale dont je ne connais pas d'analogue en Afrique.......et la présence de cette borne numérotée au départ d'Igilgili, indiquerait donc dans ce secteur le passage d'une importante voie romaine» . La restitution totale du milliaire faite par Pierre Salama Imppp(eratoribus) Cae[sss(aribus) L(ucio) S]epti/ mio Sever[o P]io / Pertinace Aug(usto) Ara/ bico Adiabenico / Part(h)ico maxsimo(!) / p(atre) p(atriae) co(n)s(ule)III Imp(eratore)Caes(are) / M(arco) Aurelio Antoni/ no Pio Felice Aug(usto) p(atre) p(atriae) / co(n)s(ule) II [[[P(ublio) Septimio]]] / [[[Geta nobilissimo]]] / [[[Caesare principe]]] / [[[iuventutis]]] / ab Igilgili m(ilia) p(assuum) / XXII // D(omino) n(ostro) Imp(eratori) L(ucio) / Domitio / Alexa(n)dro / Invicto Pio Fe/ lici A(u)gusto COS |
MILLIAIRE de Gordien III | Probablement inédit |
IMP CAES M ANTO / NIO GORDIANO PI / O FELICI AVG PONT / MAX TRIB POTES P P / COS PROCOS NEP / OTI DIVORVM G / ORDIANORV[M] / .................................. .................................. |
L'étude préliminaire de ce milliaire est frappante quand à sa ressemblance avec une première borne à partir de Jijel découverte au début de la colonisation, et qui fut objet de polémique entre les archéologues de l'époque au sujet de la lecture du mot "NILIARIVM" qu'on attribuait à tort à l'oued Nil qui coule dans la région de Jijel. Léon Renier avait lu "MILIARIVM", là ou les autres ont déchiffré "NILIARIVM". Pour rappel, le fragment inférieur de la borne de Jijel fut trouvé entre le Fondouk et le fort Duquesne, près de la rue Djebel Bouhanche, ex: rue Bronchas, à 1000m environ de l'ancienne ville d'Igilgili! (la citadelle). L'origine du fragment supérieur n'a pas été indiqué. Mais il ne saurait dépassé les alentours immédiats de Jijel.
Cette information prise dans des commentaires de Pierre Salama à propos des voies romaines entre Sitifis et Igilgili, ne mentionne guère cette borne de Gordien III, découverte à El Oulidja à Béni Yadjis. Elle pourrait être inédite. Voici, une restitution faite par nos soins, en s'inspirant du premier milliaire. « Imp(eratore) Caes(are) M(arco) Anto / nio Gordiano Pi / o Felici Aug(usto) Pont(ifex) / Max(imo) trib(uniciae) potes(tatis) p(atre) p(atriae) / co(n)s(ule) proco(n)s(ule) nep / oti divorum G / ordi[a]noru[m] / .................................. .................................. » Dommage que l'on ai pas
retrouvé l'autre fragment, on saurait alors la
numérotation de ce milliaire faite vraisemblablement
à
partir d'Igilgili. On aurait été
alors réconforté par
la restitution, faite du premier milliaire Gordien, par L.
Renier
(Voir ci-dessous). |
Comparaison avec le 1er milliaire d'Igilgili | Recueil des inscriptions romaines de l'Algérie, n° 3502. L. Renier |
IMP CAES / M ANTONIO / GORDIANO / PIO FELI / ............................... / ............................... / |
Fragment supérieur du premier milliaire Gordien trouvé à Jijel (Igilgili). Propriété Carnet. Restitution de L. Renier « Imp(eratore) Caes(are) / M(arco) Antonio / Gordiano / Pio Feli(ci)/ [ Augusto Pontifex Maximo ] / [tribuniciae potestatis ] / » |
P P COS .....CO . / NEPOT DI / VORUM GOR / DIANORUM / MILIARIUM / I |
Fragment inférieur du premier milliaire Gordien trouvé à Jijel (Igilgili). Propriété Raguet. Restitution de L. Renier « p(atre) p(atriae) co(n)s(ule) [pro]co(n)[s](ule) / Nepot(i) Di / vorum Gor / dianorum / Miliarium / I » |
Restitution
complète du
Gordien IIIIMP CAES / M ANTONIO / GORDIANO / PIO FELI / ............................... / ............................... / P P COS .....CO . / NEPOT DI / VORUM GOR / DIANORUM / MILIARIUM / |
« Imp(eratore) Caes(are) / M(arco) Antonio / (1) Gordiano / Pio Feli(ci)/ [ Augusto Pontifex Maximo ] / [tribuniciae potestatis ] / p(atre) p(atriae) co(n)s(ule) [pro]co(n)[s](ule) / Nepot(i) Di / vorum Gor / dianorum / Miliarium / I » |
Quelques photos de Béni Yadjis | |
Paysage à Béni Yadjis | Mechta Seridja |
Oued Akabal | Piste entre Seridja et Mechta Saïda |