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Jijel, Les grandes Histoires

 


Histoire

« Si nous venions à disparaître, défendez nos mémoires » Didouche Mourad

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 Association des 'Ulama Musulmans Algériens et les confréries religieuses dans la commune mixte de Djidjelli

L'Association des
'Ulama Musulmans Algériens
&
les confréries religieuses
dans la commune mixte de Djidjelli
(1945-1953).


Avant-propos (K. H.)

I - Djidjelli, une commune à part : une zone tampon entre le Constantinois et le pays kabyle.

Carte du Constantinois, GGA 1949.
Source : FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 4068

La commune de Djidjelli est créée par un arrêté du 25 août 1880, elle appartient à l'arrondissement de Bougie qui est créé par un décret daté du 27 juillet 1875. Il est rattaché comme vous pouvez le voir sur cette carte au département de Constantine. L'arrondissement est composé de huit communes mixtes. Les communes mixtes sont les communes où la gestion était double, française et indigène. Elles tirent « leur origine dans l'ancienne administration militaire de l'Algérie, au moment où s'essayait « la politique du royaume arabe » de Napoléon III » [1] . En 1868, le maréchal Mac-Mahon, gouverneur général et le maréchal Niel, ministre de la guerre établissent un rapport sur l'organisation du territoire. Le rendu de cet exposé a servi de charte à la commune mixte. L'organisation de 1868 subsiste presque entièrement, sauf que la commune mixte devient un rouage de l'administration civile et que le commandement militaire est remplacé par un administrateur, qui a les fonctions de maire. Les communes mixtes sont donc des circonscriptions administratives formées des territoires qui ne sont pas encore complètement colonisés. Toutes ces informations d'ordre administratives sont disponibles au Archives Nationales d'Outre-Mer (ANOM) à Aix-en-Provence [2].

On est confronté à un milieu majoritairement rural, avec l'existence de nombreuses fermes comme vous pouvez le voir sur la carte émanant du Gouvernement général d'Algérie (GGA) en 1949 [3]. Et ce qui est intéressant mais qui fait aussi la complexité de l'espace sur lequel je mène mes recherches, c'est qu'on peut scinder en deux l'arrondissement de Bougie : À l'ouest, une région berbérophone composée des Communes mixtes d'Akbou, de la Soummam et de Guergour. Et à l'ouest une zone arabophone avec comme principal chef-lieu la commune mixte de Djidjelli [4]. Il y a une explication à cela, la ville de Bougie et les communes mixtes limitrophes ont connu un phénomène de re-berbérisation au XIXe siècle, contrairement à la partie Est de l'arrondissement.

II - Présentation des deux courants religieux :

L'AUMA est fondée le 5 mai 1931 à Alger par Abdelhamid ben Badis, fils d'une famille bourgeoise citadine, dont il revendiquait les origines berbères remontant aux Zirides, dynastie musulmane fondée au Xe siècle par Bologhine ibn Ziri. Il est diplômé de la Zaytuna, université islamique de Tunis. Cette association groupait au début une dizaine de diplômés du Caire, de Damas et surtout de la Zaytuna de Tunis. Il n'y avait pas d'universités islamiques en Algérie à ce moment-là, c'est pourquoi ils allaient se former chez les pays voisins. L'Islam algérien « était en effet isolé géographiquement et tributaire de quelques foyers culturels internes aux possibilités insuffisantes » [5] ; les zaouïas qui perpétuent un enseignement religieux et linguistique élémentaire consacrant l'essentiel de leurs efforts à l'initiation prétendue mystique et à l'origine des affaires "confrériques". Seules les trois medersas officielles d'Alger, de Tlemcen et de Constantine, tentaient de renouveler l'enseignement islamique traditionnel en l'enrichissant d'acquisitions de méthodes modernes. Cependant, ces medersas étaient principalement destinées à former des fonctionnaires de la justice et du culte musulman et n'avaient pas l'ambition de modifier profondément les structures intellectuelles du pays.

Ces lettrés arabisants qui créent cette association se sont donnés comme objectif de faire revivre en Algérie la culture arabe et musulmane, conformément au mouvement de la salafiyya. On peut utiliser trois termes pour définir la doctrine à laquelle se rattache l'association : réformisme musulman ou salafiyya, voir même islah qui ont tous la même signification.

« La salafiyya est un mouvement de réformisme islamique né à la fin du XIXe siècle et centré sur l'Égypte, visant à régénérer l'Islam en revenant à la tradition représentée par les «pieux Anciens» (al-salaf al-?ali?, d'où son nom), représentant la Foi Primitive » [6]. Je vais préciser et compléter cette définition : L'apparition des poussées réformistes vient à des périodes où la religion donne des signes de répression, par suite d'une décadence culturelle, d'une grave crise socio-politique. Ainsi, selon Ali Mérad [7], cette hypothèse est confirmée par le cas de l'Algérie qui notamment au lendemain du centenaire de la prise d'Alger en 1930 voit apparaître et s'imposer peu à peu un mouvement réformiste algérien qui veut redorer la culture arabe et musulmane. Ce mouvement recouvre un certain nombre de signification, notamment le rappel du message essentiel de la Révélation et de la Sunna du Prophète pour mettre fin à ceux que les réformistes salafistes appellent les "dérives" maraboutiques, et un réveil de la pratique religieuse [8].

Les confréries : Tarîqat en arabe. Une tradition récente qui remonte au XVe et XVIe siècle. Les adeptes de ces groupes se nomment «Frère», khouans en arabe. Le culte rassemble des adeptes, et présente ainsi un aspect sectaire. Chaque confrérie fonctionne selon un modèle qui lui est propre. Chaque confrérie se trouve àproximité de la tombe du fondateur. Le confrérisme se rattache à l'orthodoxie sunnite. Marcel Simian, les définit comme tel : « Des religions indépendantes qui tiennent de leurs ancêtres descendants du prophète la « Baraka », l'étincelle divine : on naît marabout, on ne le devient pas » [9]. La baraka est une parcelle de puissance divine qui avait fait l'autorité d'un saint et qui lui permettait de transmettre ce « pouvoir » à leurs héritiers afin qu'ils puissent accomplir à leur tour des miracles.Pour compléter cette définition, j'ajoute qu'à leur mort les saints font l'objet d'une vénération de la part de leurs clients, leurs tombeaux deviennent des lieux de pèlerinage. Et enfin, le marabout est l'héritier du prestige religieux d'un ancêtre, qui peut être de deux sortes :

Soit chérif (pl. chorfa), c'est-à-dire descendants de la lignée du prophète ; ou ouali Allah, qui signifie celui qui est proche de Dieu. Celui qui possède un lointain ancêtre qui était reconnu pour sa piété. On trouve parfois certaines familles qui se considèrent comme nobles parce qu'elles prétendent descendre du prophète. Les traditions conservées font que les descendants directes et immédiats des saints acquièrent le respect de leur entourage et deviennent à leur tour marabout [10].

À côté de ses marabouts de naissance, il y a ceux qui acquièrent ce titre par les bonnes ouvres, la vie dans l'austérité, la pratique de la retraite religieuse, entre autre. Mais ces derniers jouissent souvent d'un prestige restreint qui ne dépasse pas leur édifice religieux [11]. Les confréries sont des organisations hiérarchisées. En haut de la hiérarchie, le chef de l'ordre religieux qui enseigne à ses fidèles l'initiation progressive (wird en arabe) qui élève progressivement leur âme vers Dieu. À côté du chef de l'ordre, on trouve « l'oukil » qui est l'intendant de toute la confrérie, il gère les biens matériels de la zaouïa. Elle constitue un édifice religieux musulman, dans un premier temps, ce terme désigne un emplacement ou un local réservé à l'intérieur d'une structure plus vaste où les adeptes pouvaient se retirer comme le laisse entendre le sens de la racine du mot arabe zaouïa qui signifie angle ou recoin [12].

Les ordres religieux recrutent leurs adeptes (khouans en arabe) parmi toutes les couches sociales. C'est dans les établissements religieux que les ordres religieux exercent leurs activités, plus particulièrement dans les zaouïas qui ont une triple fonction et constituent à la fois des institutions religieuses, éducatives et charitables. La zaouïa est un véritable centre de décision, de conseil, et d'orientation mais aussi d'hébergements des étudiants, un refuge pour les nécessiteux. Elle sert de lieu d'auspice pour les orphelins, les pauvres et les voyageurs. Sur le plan culturel, chaque ordre religieux a voulu perpétuer le message coranique, et l'enseignement de la langue arabe par la construction d'écoles coraniques.

Il existe plusieurs ordres religieux en Algérie, les principaux sont : la Rahmania, la Tiganiyya, la Tayyibiyya, la Qadiria ou encore la 'Allaouia. En choisissant l'arrondissement de Bougie, qui est situé entre la Kabylie et le Constantinois, j'étudie une zone territoriale acquise presque exclusivement à l'ordre de la Rahmania, comme vous pouvez le voir (à la page suivante) sur la carte émanant de l'l'État-major de la subdivision de Bougie [13]. En vert, la zone d'influence de la Rahmania, en rouge, les autres confréries, et les flèches représentent la percée réformiste dans l'arrondissement. La synthèse que nous livre le général Tamissier commandant de la division territoriale de Bougie et sa région le 16 juillet 1946 va également dans ce sens : « De très loin, c'est la confrérie des Rahmania qui est la plus importante, et son influence s'étend très largement sur toute la vallée de la Soummam et sur les derniers contreforts de la Petite Kabylie » [14].

Cette confrérie a été fondée par Si M'Hamed Abderrahmane El Guechtouli El Azhari, mort à Aït Smaïl dans le Djurdjura vers la 1774. Plus connu sous le nom abrégé Si Mohamed Ben Abderrahmane, sa chaîne mystique le rattache à El Djounadi (ou El Djoneidi) fondateur de l'école des Khelouatia, branche à laquelle appartient l'ordre de la Rahmania. Si Mohamed Ben Abderrahmane, missionnaire de l'école des Khelouatias est revenu vers l'an 1185 fonder la zaouïa d'Ait Smail dans le Djurdjura, pour répandre le soufisme en Kabylie, après avoir parcouru le Soudan, une partie des Indes, le Hedjaz et la Turquie. Il est précédé d'une réputation de Sage, illustré par ses miracles, sa science et les vertus mystérieuses que l'on attribue aux disciples de l'école des Khelouatia. Il devient rapidement un saint à part entière, à sa mort en 1793 à l'âge de 73 ans. Les turcs amenèrent son corps près d'Alger. Mais la légende rapporte que son corps resta au tombeau d'Aït Smaïl d'où le nom qui lui fut donné ; « Abou Qobrin » [15]. Après le décès de son fondateur, la tarîqa Rahmania continua à prospérer à travers le pays. La Rahmania devient très vite la tarîqa qui compte le plus d'adeptes en Algérie.

Cette donnée va profondément être modifiée par l'arrivée, en 1830, des troupes françaises. La seconde moitié du XIXe siècle sera une période tragique de l'histoire de l'Algérie. En 1871, cette confrérie par l'intermédiaire du Cheikh el Haddad est à l'origine de l'insurrection kabyle. Le Cheikh El Haddad était le lieutenant de Sidi Abderrahmane, l'un de ses Moqadem (pl. moqaddim) [16]. En raison sans doute de cette extension géographique, la Rahmania s'est scindée en deux branches : celle de Kabylie et celle du Constantinois comme vous pouvez le voir sur la chaîne de la baraka chez les Rahmania du département de Constantine d'après un document de la famille Bachtarzi [17] (voir image), qui constitue la branche constantinoise de la confrérie. On voit à gauche la branche Constantinoise et à droite la branche kabyle de l'ordre religieux.

La plupart des moqaddem de Sidi Abderrahmane mort en 1793 ont tous pris leur indépendance à la suite de l'insurrection de 1871 [18]. Je vous en cite deux car ils concernent directement mon sujet : El Hadj Ali Belhamlaoui qui possède une zaouïa à Constantine (plus précisément à Châteaudun du Rhumel) et Si Hocini Mohamed Ben Belkacem de Boudjellil dans la commune mixte d'Akbou. Ces deux moqqadem sont les descendants du Sheikh El Haddad qui comme je vous l'ai expliqué auparavant était le disciple de Sidi Abderrahmane, fondateur de la Rahmania. Et là encore avec ces deux descendants la confrérie se scinde encore une fois en deux avec la branche Belhamlaoui à Constantine et la branche kabyle avec Si Hocini Mohamed Ben Belkacem de Akbou. Et concernant ma période, 1945-1953, les descendants directs de ces deux cheikhs reprennent en main les zaouïas de leurs prédécesseurs et tentent de mener tant bien que mal la lutte contre l'AUMA [19].

Chaîne de la baraka chez les Rahmania du département de Constantine d'après un document de la famille Bachtarzi : Source : FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 429

L'objectif de ce mémoire est d'étudier le conflit qui a opposé ces deux courants religieux dans l'arrondissement de Bougie, en particulier à Djidjelli de 1945 à 1953. Je vais donc par la suite vous présenter les acteurs de ce conflit dans la commune mixte de Djidjelli. Ces deux mouvements religieux que tout oppose vont s'affronter politiquement et idéologiquement dans la région de Bougie et notamment à Djidjelli durant l'entre-deux guerres et après les événements de mai 1945.



Zones d'influence des confréries et des réformistes dans le Constantinois

III - L'importance des événements de mai 1945 dans ce conflit et l'étrange similitude avec les insurrections de la fin du XIXe siècle dans cette région :

Ces événements qui ont pour point de départ Sétif le 8 mai 1945 ont eu une incidence sur les régions voisines et notamment toutes les communes mixtes de l'arrondissement Bougie, dont fait partit Djidjelli. Les archives du Service Gouvernement Général d'Algérie parlent d'un « effet de contagion » comme vous pouvez le voir sur la carte à la page 6, qui a été réalisée peu après les soulèvements en juin 1945. Elle provient du bureau du cabinet du Gouvernement général d'Algérie, et a pour titre « Insurrection du Constantinois » [20]. Cet événement va avoir un retentissement politique important dans un climat de suspicion, une décision rapide est prise par l'administration française qui décide de mener une enquête sur les Confréries religieuses et sur l'Association des 'Ulama qui sont tenus pour responsables des événements de mai 1945, l'administration les accuse d'avoir politisé le peuple dans leurs écoles, ce qui l'a amené à se soulever en mai 1945. Ce conflit va donc opposer trois acteurs : l'Association des 'Ulama, notamment les filiales réformistes djidjelliennes ; les confréries religieuses de la région, en particulier les confréries des Rahmaniyas ; et enfin l'administration française qui face à l'ampleur de ces événements cherche des coupables et mène son enquête.

Le résultat de ces recherches amènent les administrateurs coloniaux à sanctionner l'AUMA et ces filiales qui sont considérés comme les fers de lance des événements de mai 1945, et au contraire considéré les confréries religieuses de la région comme des alliés potentiels, des fervents « loyaux de la France », car les chefs confrériques de la région ont tous appelé la population au calme pendant ces événements.


Carte du cabinet du Gouvernement général d'Algérie, « Insurrection du Constantinois » Source : FR ANOM / Série 40 G / Archives du GGA / Carton n° 34 : Évènements de 1945 à Sétif.

Et j'ai décidé de terminer mes recherches en 1953, date à laquelle l'Association des 'Ulama Musulmans Algériens (AUMA) perd la quasi-totalité de ses locaux et de ses écoles et se trouve dans l'incapacité de lutter face à ce qui reste d'un confrérisme qui a perdu toute son influence passé. C'est aussi le moment où s'achève cette enquête débutée après les événements de mai 1945 : Les fonds de la série continue Constantine aux ANOM nous fournissent l'une des dernières études intitulée : L'évolution des confréries religieuses musulmanes dans le département de Constantine. Etude sur l'évolution de la Rahmania au 1er janvier 1953 réalisé par le lieutenant-colonel Tercé et qui est une sorte de bilan du rapport de force entre confréries et 'Ulama dans le constantinois [21].

IV - Une histoire méconnue : des archives inédites mais un sujet occulté par la très grande place accordée à la Guerre d'indépendance Algérienne.

Le capitaine Decomps dans un courrier émanant des documents du 2ème bureau [22] au Service Historique de la Défense à Vincennes (SHD) et qui a été envoyé aux gouverneurs des Subdivisons de Constantine le 16 octobre 1946 déclare que « cette enquête est nationale, et elle doit recouvrir tout le territoire » [23]. Et c'est donc après ces événements de mai 1945 et à la suite de cette enquête que l'on a le plus de documents sur les deux mouvements religieux. Il s'agit d'une correspondance entre le chef du 2ème bureau et les Généraux Commandants les Subdivisions de Constantine et des deux autres départements d'Algérie.

Certains historiens, ou spécialistes de la pensée islamique moderne tel que Ali Mérad parle ainsi d'Islam traditionnel pour l'une, car acquise au conservatisme et aux traditions locales en matière religieuse et culturelle, et d'Islam réformiste pour l'autre car favorable à l'évolution, le renouveau en matière religieuse et culturelle. C'est exactement la même formulation qui est utilisée dans les archives que j'ai consulté aux ANOM et au SHD [24], pour exprimer l'opposition entre les tenants du réformisme algérien et les tenants du confrérisme. Mais aucun des historiens ne traitent ce conflit qui a pris toute son ampleur durant la période qui me concerne, c'est-à-dire de 1945-1953. Pourtant d'innombrables archives nous renseignent sur le sujet à Aix en Provence aux ANOM (Archives Nationales d'Outre-Mer) et à Vincennes au SHD (Service Historique de la Défense). Cette période et cette histoire ont été occultée ou plutôt éclipsée par la Guerre d'Algérie qui a très vite intéressé les historiens et conduit à une méconnaissance de l'histoire coloniale algérienne, notamment l'histoire religieuse, sociale, régionale et politique.

V - État des lieux des filiales réformistes et des confréries à Djidjelli :

1) Deux forces en péril suite aux événements de mai 1945 :

Médersa el Hayat de Jijel, actuellement musée Kotama.
© jijel-archeo 2013

L'arrondissement de Bougie est l'une des premières régions à avoir été touchée par l'action et la propagande islahiste de l'AUMA. La commune mixte de Djidjelli, qui est la plus à l'est de l'arrondissement, a été la première commune à connaître la création d'une medersa libre salafiste. Elle fut fondée en mai 1933 à Rue Clerville à Djidjelli et prit le nom de « Medersa El Hayet », qui signifie l'École de la Vie [25]. Mais qui impulse l'action islahiste de l'AUMA dans l'arrondissement de Bougie ? Est-ce les leaders connus de l'AUMA ? Non, l'action réformiste est impulsée par des filiales réformistes « bougiote », locales. Par exemple, pour Djidjelli, elle est menée par une filiale djidjellienne de l'AUMA emmenée par le Cheikh Mohamed Tahar Sahli. Qui est cet homme et quelle est la nature de son action ?




Photographie du Cheikh Mohamed Tahar Sahli de Djidjelli, obtenue de la direction des affaires religieuses de Jijel qui avait dès lors organisée un séminaire en commémoration du Cheikh.

J'ai réussi à me procurer son dossier individuel aux ANOM dans la Série continue Constantine [26]. D'ailleurs son nom a été mal orthographié par les services administratifs de l'époque, puisqu'il a été nommé Mohamed Tahar Salhi, au lieu de Sahli. J'ai remarqué cette erreur en allant voir la transcription de son nom en arabe. Son nom a été donné à une mosquée de Djidjelli qui existe encore aujourd'hui et l'inscription en arabe est bien celle de Mohamed Tahar Sahli. Les notices individuelles du SLNA sont organisées en plusieurs rubriques. Tout d'abord l'identité de l'individu : Nom, Prénom, Date et lieu de naissance, situation familiale et le lieu de domicile. Puis le parcours professionnel : Niveau d'instruction, services militaires et antécédents judiciaires. Et enfin, l'attitude politique et les faits marquants de l'action politique de l'individu. L'attitude politique de l'individu permet au SLNA de définir le degré de dangerosité de l'individu. Encore une fois, l'objectif de ce service de surveillance est de prévenir le danger et de déterminer quels éléments sont des dangers à la prépondérance française dans les communes.

Salhi Mohamed Tahar est né le 29 mai 1904 au douar Tabellot, dans la commune mixte de Djidjelli. Fils de Lourghi Zohra bent Aissa et de Salah ben Ahmed [27], Mohamed Tahar Sahli est marié sans enfant. Son père, commerçant, a des antécédents judiciaires qui sont signalés par le SLNA dans la notice individuelle de son fils : « Son père mouedden à la mosquée de Djidjelli, a été révoqué de ses fonctions, en 1940, pour avoir refusé de donner l'adresse de son fils insoumis. Celui-ci se trouverait en Égypte, étudiant à l'Université El Azhar ». La famille Sahli est donc une famille déjà connue de services de surveillance, avant même que Mohamed Tahar Sahli se lance dans l'action et la propagande islahiste.

M.T. Sahli est directeur et professeur de la medersa islahiste « El Hayet » fondée en mai 1933 et appartenant à l'AUMA. Il réside toujours à Djidjelli et assume ses fonctions de professeur et directeur dans une medersa qui compte près de 600 élèves, un chiffre très important si on le compare aux nombres d'élèves des autres écoles libres de l'arrondissement, selon une enquête menée par le 2ème bureau après les événements de mai 1945 dans la région [28].

Il est lettré en arabe et a étudié pendant cinq ans à la zaouïa d'Aïn-Tinn dans le département de Constantine et durant cinq ans à la Zitouna de Tunis où il a obtenu son diplôme lui permettant d'enseigner dans la medersa salafiste de sa région d'origine. Voilà un exemple typique du parcours de ces éléments moteurs de l'islah dans les communes et provinces algériennes. Ils débutent tous leurs études en Algérie, dans des zaouïas ou medersas, puis ils partent à l'étranger, le plus souvent à la Zitouna de Tunis avec qui l'AUMA possède des liens très solides, avant de revenir dans leur région natale ou dans une autre région du pays pour enseigner dans les medersas libres. C'est par ces parcours scolaires et professionnels que l'AUMA a su se développer dans toutes les régions algériennes, se développer, et renouveler continuellement ses éléments. L'AUMA aurait pourtant pu s'effondrer après la mort de son leader charismatique Ben Badis en 1940, mais c'est au contraire au cours de cette période qu'elle a connu une expansion et un développement considérables.

M.T. Sahli n'a pas passé son service militaire mais il n'a en revanche aucun antécédent judiciaire au moment où la notice est réalisée. Il est néanmoins considéré comme un élément dangereux par le SLNA : « Il passe pour un politicien acharné » [29]. Son attitude politique est définie de manière claire : réformiste et nationaliste. Il est considéré comme le représentant de l'AUMA à Djidjelli. En 1937, il rédige sous forme de tract, un « appel à tous les musulmans jaloux de la langue de l'Islam », où il exhorte ses coreligionnaires à verser une zakat [30] pour la construction d'une seconde medersa à Djidjelli [31], car la première qui compte près de 600 élèves ne peut répondre aux effectifs demandés pour l'année 1951, ce qui témoigne bien de l'essor de l'islah dans la région. En 1944, il a effectué à la mosquée de Djidjelli des conférences au cours desquelles il a été très hostile à l'égard de la France. Il a été soutenu par Benkhellaf Abderrahmane, Conseiller Général dans la commune mixte de Djidjelli et favorable à l'implantation de l'AUMA dans la région.

Cette notice individuelle est donc très intéressante et montre bien qu'il faut se détacher de l'histoire institutionnelle de l'AUMA et ne plus focaliser toute son attention sur les leaders de l'association mais plutôt de s'intéresser aux membres des filiales locales de l'association qui impulsent l'islah dans les provinces algériennes. Mais la finalité de cette enquête qui vise à déterminer si cet élément est dangereux ou pas vis-à-vis de la prépondérance française en Algérie, fait que cette notice et sans doute très incomplète et on peut passer à côté d'autres éléments très important de sa vie et de son action. C'est pourquoi, je compte pour le master 2 croiser ses sources avec des témoignages oraux dans la région de Jijel [32]. J'ai une attache avec la région et je compte m'y rendre cet été ou durant l'année prochaine afin de collecter des documents auprès la direction des affaires religieuses de Djidjelli qui a déjà organisé par le passé une conférence en l'honneur du cheikh, et également auprès d'une famille très proche de la famille Sahli, et de ceux qui l'ont connu ou suivi ses cours. Je compte faire de même pour les autres communes qui me concernent, pour ainsi rendre un travail complet et varié au niveau des sources. J'ai commencé à établir un réseau, par l'intermédiaire de quelques membres de ma famille résidant en Algérie.

Djidjelli est donc la première commune de l'arrondissement de Bougie à avoir été pénétrée par l'action islahiste de l'AUMA. La première medersa fondée dans la région a été fondée très tôt, seulement deux ans après la fondation de l'AUMA le 5 mai 1931. D'ailleurs dès 1949, le cercle de la Medersa el Hayet de Djidjelli (école de la vie) à la fois lieu de réunion et école réformiste est cité dans les cercles « les plus importants du département de Constantine » dans une synthèse du 2 juillet 1949 émanant du 2ème bureau, portant sur les filiales réformistes du département de Constantine [33]. Djidjelli est donc la plus ancienne section réformiste de l'arrondissement de Bougie. Ce qui prouve par ailleurs que l'arrondissement de Bougie est l'un des premiers berceaux réformistes de l'AUMA. Les filiales les plus influentes du département de Constantine citées dans cette synthèse du 2 juillet 1949 sont : « Constantine, Bône, Tébessa, Biskra, Batna, Ain Beida et (déjà) Djidjelli ». La commune mixte de Djidjelli contrairement aux autres communes de l'arrondissement de Bougie a connu l'action islahiste très tôt, c'est pourquoi elle constitue une région à part de l'arrondissement. Les autres communes vont connaître cette implantation réformiste plus tard, et c'est notamment pendant la période que j'étudie allant de mai 1945 à 1953 que ces communes vont connaître une recrudescence de l'action islahiste de l'AUMA, un acharnement des islahistes à créer des écoles dans ces communes, bien qu'elles aient connu l'AUMA au cours des années 1935-1937.

C'est donc paradoxalement après les événements de mai 1945 que l'AUMA par l'intermédiaire de filiales locales accroît son action dans l'arrondissement de Bougie, afin de contrecarrer la politique de l'administration française qui a durci sa politique vis-à-vis de l'association et cherché l'alliance chez le grand ennemi des islahistes, les chefs confrériques. J'ai expliqué dans la périodisation de mon sujet que c'est à la suite des événements de mai 1945 à Sétif et dans l'arrondissement de Bougie, que des enquêtes vont être menées sur les deux mouvements religieux suspectés. Les premiers résultats de ces enquêtes innocentent les chefs confrériques, qui ont été au contraire de fervents « loyaux de la France » si l'on reprend les termes du Gouverneur général. Ils ont au cours de ces manifestations populaires appelé au calme, l'étau se resserre alors sur l'AUMA, qui par ces écoles libres apparaît la plus entachée dans ces manifestations de mécontentements populaire. Le rendu de ces enquêtes me permet d'avoir connaissance des sanctions qui ont été employées vis-à-vis de l'AUMA et de ses membres mais elles me permettent également de dresser un bilan du rapport de force entre ces deux courants religieux présents dans l'arrondissement au lendemain de ces événements, et du double jeu joué par l'administration française qui adopte une stratégie d'alliance de circonstance avec les chefs confrériques.

2) Une surveillance accrue et une marge de manouvre restreinte : Un remodelage du paysage religieux par jeu d'alliance ?

A) L'AUMA face aux sanctions :

a) La fermeture des écoles salafiste de l'arrondissement :

Alors que les principaux leaders de l'AUMA sont emprisonnés ou assignés à résidence. L'administration prend également des mesures très dures à l'égard des filiales réformistes locales, c'est le cas dans l'arrondissement de Bougie. Elle s'attaque au fondement même de l'AUMA et à son moyen de subsistance : les écoles libres. La medersa El Hayet de Djidjelli fondée en mai 1933 par une filiales islahiste djidjellienne , qui compte au cours de l'enquête menée en mai 1946 par le 2e bureau, près de 600 élèves, dont 400 garçons et 200 filles pour quatre professeurs et qui prodigue un enseignement religieux, coranique en langue arabe, est « fermée le 10 mai 1945 par arrêtée du sous-préfet de Bougie à la suite des événements de mai 1945 » [34]. L'AUMA s'est vu donc privée de son moyen de propager la foi réformiste et son seul moyen de subsistance dans la région, sa medersa fermée pendant quasiment un an, puisqu'elle n'a été autorisée à rouvrir seulement le 23 avril 1946, mais bien qu'elle ait ré-ouverte à cette date, l'école a mis du temps à reprendre fonction. La medersa de Djidjelli n'est pas la seule à avoir subi les sanctions administratives. Elle reprend son activité le 14 octobre 1946 selon une lettre envoyée par le préfet de Constantine au Gouverneur Général d'Algérie : « J'ai l'honneur de vous faire connaître à la suite d'une enquête ordonnée sur place, que la Medersa El Hayet fonctionne depuis le 14 octobre. M. Bourouh Ahmed assisté de quatre moniteurs y enseigne le coran à 600 élèves inscrits» [35]. Je n'ai pas trouvé le dossier individuel de ce professeur islahiste de Djidjelli, les seuls informations que je dispose à son sujet proviennent de cette même lettre : « M. Bourouh, ancien élève de la Zitouna, installé à Medersa El Hayet de Djidjelli par les Oulémas n'a pas encore établi son dossier d'autorisation d'exercer, il prétend que les Oulémas lui ont promis de le faire eux-mêmes les demandes nécessaires. Il a d'ailleurs à cet effet été rappelé à l'ordre dernièrement par le Commissaire de Police de Djidjelli sur les instances de M. le Sous-préfet de Bougie » [36]. Je l'ai expliqué dans ma critique des sources, les informations sur les individus sont très partielles car elles mettent l'accent essentiellement sur les aspects qui intéressent les services de renseignement, à savoir les antécédents judiciaires et le degré de dangerosité d'un individu face à la prépondérance française en Algérie.

En effet, de nouvelles lois sont promulguées concernant l'enseignement privé suite aux événements de mai 1945, et elles doivent être respectées sous peine de fermeture des locaux. On constate encore une fois le parcours de ces instituteurs qui sont tous passés par une université islamique prestigieuse, particulièrement la Zitouna avant de venir enseigner dans les medersas algériennes. Je compléterai les informations recueillies sur ce professeur par des témoignages oraux à Jijel l'année prochaine.

b) la situation religieuse à Djidjelli au lendemain des événements de mai 1945 et des sanctions :

Concernant la situation religieuse dans la commune mixte de Djidjelli, plusieurs éléments sont à signaler. La région présente le paysage confrérique le plus simple à expliquer si on le compare à ceux des autres communes de l'arrondissement. Dans un rapport portant sur le problème religieux musulman dans l'arrondissement de Bougie du 16 juillet 1946, envoyé par le général Tamisier commandant de la division territoriale de Constantine au général commandant la 10ème région de l'État-major du 2ème bureau [37], il donne les grandes lignes de la situation des confréries dans la région. Elle est dominée exclusivement par la confrérie des Rahmania, il cite les plus importantes : « La zaouïa de Menia Belkacem de Djidjelli dispense des cours exclusivement d'apprentissage coranique. La famille Menia a fourni de nombreux caïds et fonctionnaires du culte musulman. Elle a adoptée une attitude française lors des événements de mai 1945. ». Il évoque ici un point central de la lutte entre islahiste et maraboutique, à savoir que les confréries religieuses de Djidjelli, comme toutes les confréries de l'arrondissement de Bougie ont toutes appelés au calme lors des événements de mai 1945 dans la région, ce qui explique pourquoi elles n'ont pas été sanctionnées par l'administration contrairement aux filiales appartenant à l'AUMA. Les sources du 2ème bureau concordent avec celles du SLNA sur ce point crucial du conflit religieux : « De même dans la région de Djidjelli, l'action des chefs locaux de la confrérie des Rahmania fut entièrement dévoué à notre cause. Les Chioukh Belkermi, Benikhlef et Belahmed ont condamné les atrocités commises par leurs coreligionnaires. Ils s'étaient déclarés hostiles à la propagande haineuse et aux appels à la violence des Oulémas réformistes. » ; « Une politique bienveillante est de mise vis-à-vis des personnages religieux dont le loyalisme ne s'est pas démenti dans les circonstances difficiles (mai 1945) et qui constituent la seule opposition aux propagandes anti-françaises, en renforçant leur prestige et leur influence, au moyen d'enrayer l'action des partis extrémistes » [38]. Je n'ai pas trouvé les dossiers personnels de ces chioukh djidjellien, mais je compte combler ce vide en allant sur place à Jijel effectuer des entretiens avec les descendants de ces cheikhs dans leurs zaouïas, ou du moins ce qu'il en reste.

Toujours dans la commune mixte de Djidjelli, le général Tamissier compte huit zaouïas affiliées au cheikh Amor Belhamlaoui de Oued-Athménia [39]. Toutes ces zaouïas lui ont fait acte d'obédience et participent à ces manifestations et zerda. Ce cheikh jouit d'une audience et d'une aura incomparable dans le Constantinois, puisqu'il fait autorité sur de multiples zaouïas du Constantinois. Ce Cheikh confrérique de Constantine appartenant à la Rahmania très influent Constantine ne possède pas seulement des zaouïas dans la commune de Djidjelli, mais dans plusieurs communes de l'arrondissement de Bougie, son influence est largement répandue et reconnue. Je compte l'an prochain aller sur place et questionner les descendants des chefs confrériques, ce qui reste des marabouts à Jijel pour savoir quel était le degré d'appartenance de ces zaouïas djidjellienne au Cheikh Belhamlaoui. Je me permets ainsi de critiquer encore une fois la thèse d'Abdelhamid Chirane sur Les formes et les forces créatrices de l'Islam contemporain en Algérie 1900-1954, et plus particulièrement son découpage des différentes zones d'influences des zaouïas des grands chefs confrériques. Il n'évoque à aucun moment les nombreuses filiales et zaouïas que possède le Cheikh Belhamlaoui en Petite Kabylie, plus précisément dans l'arrondissement de Bougie et à le lire on pourrait croire que le cheikh est exclusivement un cheikh dont l'influence est confinée à Constantine.

c) Belhamlaoui, l'homme fort et l'homme du renouveau des confréries dans le département de Constantine : L'habileté politique au service de la lutte contre l'AUMA.
Photo du cheikh Belhamlaoui Amor à droite de l'image, reçut par le Maréchal Juin le 1er août 1952. Le cheikh est venu le féliciter à l'occasion de son élévation au grade de maréchal. À gauche, se trouve Raymond Laquière, président de l'Assemblée algérienne, au centre le Maréchal Juin.

Source : FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 4297 : Dossiers Belhamlaoui Amor (1941-1960).

C'est l'un des personnages central de la lutte entre confrérie et 'Ulama dans le constantinois. Il représente à lui seul la branche « constantinoise » de la Rahmania. J'ai réussi à me procurer son dossier individuel aux ANOM et j'ai pu donc retirer les informations importantes sur ce Cheikh. Dans une notice de renseignement confidentiel de renseignements établie par la Police de Renseignements Généraux à Constantine le 9 mars 1948 [40], on apprend qu'Amor Belhamlaoui est né en 1915 et qu'il est le fils de Abderrahmane ben Ahcène Hadj Ali et de Hamlaoui Zera bent Amar. Il est ainsi l'héritier de la baraka dans sa famille aux origines maraboutiques. Amor Belhamlaoui est né en 1915. Il est l'un des nombreux chefs de la confrérie des Rahmania. Il réside à Constantine, plus précisément dans la commune d'Oued-Athménia. Il est diplômé en 1941 de la Zitouna de Tunis. Son influence est très grande en milieu maraboutique et il est connu pour sa loyauté envers la France : « Lors des événements de mai 1945, Belhamlaoui Amor exprime à plusieurs reprises à Monsieur le Préfet de Constantine, sa fidélité et son dévouement à la France et ouvre à l'apaisement de la population. » ; « Il a fait partie de la délégation des chefs musulmans et des personnalités religieuses d'Algérie, qui s'est rendu en France, à l'occasion de la célébration de la Fête Nationale du 14 juillet 1945 et a été nommé Chevalier de la Légion d'Honneur au cours du voyage » [41]. Cette proximité du cheikh avec l'administration et les autorités françaises va être un argument qu'il va utiliser tout au long de la période qui me concerne contre les membres de l'AUMA qu'il a combattus.

Il est issu d'une famille très connue et respectée dans la région d'Oued-Athménia et au-delà puisqu'ils possèdent des zaouïas affiliés à son autorité un peu partout dans le département de Constantine et particulièrement dans l'arrondissement de Bougie. Il a succédé à son père, chef de la confrérie Zaouiria Rahmania d'Oued Athménia en septembre 1942, et ne cesse d'étendre son influence depuis, à tel point qu'il est considéré comme « le chef de la confrérie des Rahmania » par la Police des Renseignements Généraux. Son père Ahcène Hadj Ali a lui aussi été un fidèle ami de la France et un « adversaire déclaré des Oulamas réformistes. Il est décédé à 57 ans, le 25 septembre 1942 » [42]. Étant l'aîné d'une famille de quatre enfants, Cheikh Amor Belhamlaoui a été désigné par son père, sur son lit de mort, pour lui succéder à la tête de la zaouïa Rahmania d'Aïn-el-Ars à Constantine. Héritier de l'influence paternelle, Cheikh Belhamlaoui Amor exerce depuis 1942 son autorité sur des milliers d'adeptes des départements de Constantine et même d'Alger [43]. Il s'efforce de donner aux élèves qui le fréquentent dans ces zaouïas, un enseignement moderne à l'image de celui qu'il a reçu lui-même à Tunis, avec des méthodes voisines de celles des 'Ulama, dont il est loin de partager les idées sur le plan doctrinal et politique.

En octobre 1946, il ouvre à Constantine dans la perspective de concurrencer l'enseignement des islahistes de l'AUMA, la medersa et l'Université El Kettania, qui ont dès le début connu un succès, en dépit des efforts tentés par l'AUMA pour s'opposer à l'action du Cheikh.

Voilà en résumé l'état de mes recherches dans le cadre de mon master 1 Histoire des sociétés arabes contemporaines à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Je dois achever ce travail cette année et je compte venir à Jijel effectuer des entretiens pour enrichir et illustrer ce long travail. Tout aide pour réaliser des entretiens avec des familles proche des milieux réformistes et confrériques est la bienvenue. ISSAD Lamine,
Master 2 Histoire des Sociétés arabes contemporaines
à Paris 1 Panthéon Sorbonne

Email : issadlamine@hotmail.com

Notes de renvoi
  1. A. CHALLAMEL, Les communes mixtes et le gouvernement des indigènes en Algérie, Paris, 1897, p.1-13.
  2. Les dates de création des communes mixtes sont disponibles dans les sources du bureau officiel aux ANOM, Informations transmises par M. Gombert, conservateur aux Archives Nationales d'Outre-Mer (ANOM) et chargé de tous les fonds du département de Constantine.
  3. FR ANOM/Série continue Constantine/ Carton n° 93 4068 : Carte du Constantinois, GGA 1949.
  4. PHILIPPE MARÇAIS, Le parler arabe de Djidjelli, Paris, A. Maisonneuve, 1954, p-600-627 et voir également PHILIPPE MARÇAIS,Textes arabes de Djidjelli, Paris, PUF, 1954 (l'introduction).
  5. A. MÉRAD, Le réformisme musulman en Algérie, 1925-1940, Paris-La Haye, 1967.
  6. Définition Encyclopédie of Islam.
  7. Historien spécialiste de la pensée islamique moderne, il est l'un des premiers à s'être intéressé au réformisme musulman algérien.
  8. Il s'agit selon eux de corriger la pratique religieuse dans la mesure où le culte populaire présente des déformations ou des déviations dues à l'ignorance ou à la perversion du sentiment religieux.
  9. MARCEL SIMIAN, Les confréries religieuses en Algérie, Alger, Imp. A. Jourdan, 1910.
  10. C'est le cas pour tous les chefs confrériques que j'ai a étudié concernant l'arrondissement de Bougie mais j'y reviendrais très précisément dans mon développement.
  11. C'est le cas pour l'un des marabouts de l'arrondissement de Bougie que j'ai entrevue dans les ANOM et dont l'influence ne dépasse pas le domaine de sa zaouïa.
  12. Le mot vient également du mot arabe inzawa qui veut dire « se retirer », ce qui donne au lieu sa charge de lieu de retraite. Par la suite, le mot désigne un complexe religieux comportant une mosquée, des salles réservées à l'étude et à la méditation ainsi qu'une auberge pour y recevoir les indigents. On y effectue les pratiques spirituelles et on y enterre les saints fondateurs des confréries.
  13. SHD / Série 1H / Carton 2864 : « Le problème religieux musulman dans la subdivision de Sétif du 16 juillet 1946 ». Carte de l'influence de l'influence différentes confréries religieuses de l'arrondissement de Bougie en 1946.
  14. SHD / Série 1H / Carton 2864 : « Le problème religieux musulman dans la subdivision de Sétif du 16 juillet 1946 », envoyé par le général Tamisier commandant de la division territoriale de Constantine au général commandant la 10ème région État-major 2e bureau.
  15. Celui qui a deux tombeaux.
  16. Juste en dessous du Sheikh d'une confrérie, est placé le Moqadem (pl. moqaddim), exécuteur fidèle des instructions que le cheikh lui donne, oralement ou par des lettres missives, son délégué, le vrai propagateur des doctrines de la tarîqa.
  17. Famille maraboutique de Constantine, ennemi de la famille Belhamlaoui de Constantine.
  18. SHD / Série 1H / Carton n° 2863.
  19. C'est l'un des points que je vais développer lors de mon mémoire de M1.
  20. FR ANOM / Série 40 G / Archives du GGA / Carton n° 34 : Événements de 1945 à Sétif.
  21. FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 4491.
  22. SHD / Série 1 H / Carton n° 2849 : une définition du 2e bureau est donnée dans une fiche sur le fonctionnement du 2e bureau. « Le 2e bureau de l'État-major de la Division Territoriale comprend une section renseignement militaire et politique, une section sécurité militaire et une section affaires militaires musulmanes. Et le chef du bureau, s'efforce de se tenir en mesure de renseigner le Général sur toutes les questions d'ordre militaire, politique, économique concernant la Division ». Je reviendrais plus précisément sur le rôle et le fonctionnement du 2e bureau dans ma présentation des sources.
  23. SHD / Série 1 H / Carton n° 2864 : Association religieuse : Association des 'Ulama Musulmans Algériens.
  24. Se référer à la présentation des sources.
  25. SHD / Série 1 H / Carton n° 1 H 2864 / Informations transmises par le 2e bureau, enquête menée sur les medersas libres de l'arrondissement après les événements de mai 1945.
  26. FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 4289 : Dossier individuel du Cheikh de Djidjelli.
  27. Fille d'Aissa et Fils d'Ahmed.
  28. SHD / Série 1H / Carton n° 1 H 2864. Enquête menée en juin 1946 par le 2e bureau.
  29. FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 4289.
  30. Une aumône.
  31. J'ai ajouté le tract dans mes annexes.
  32. Ex-Djidjelli.
  33. SHD / Série 1 H / Carton n° 1 H 2864 : synthèse du 2 juillet 1949 émanant du 2e bureau, portant sur les filiales de l'AUMA dans le département de Constantine.
  34. SHD / Série 1 H / Carton n° 2864.
  35. FR ANOM / Série Continue Constantine / Carton n° 93 420. Document émanant du SIDM : lettre envoyée par le préfet de Constantine au Gouverneur Général d'Algérie le 7 décembre 1946 au sujet de la Medersa El Hayet de Djidjelli.
  36. Ibid.
  37. Série 1 H / Carton n° 1 H 2864 : Le problème religieux musulman dans l'arrondissement de Bougie du 16 juillet 1946, envoyé par le général Tamisier commandant de la division territoriale de Constantine au général commandant la 10erégion État-major 2e bureau.
  38. Ibid.
  39. Commune de l'Est algérien, très proche de Constantine.
  40. FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 4297 : Amor Belhamlaoui et sa famille.
  41. Ibid.
  42. Ibid.
  43. « 2850 affiliés dans la commune mixte des Rirha, 1 000 dans la région de M'Sila et dans la commune mixte des Bibans, 10 000 dans la région de Barika et 5 000 à Chateaudun du Rhumel » : FR ANOM / Série continue Constantine / Carton n° 93 4297 : Amor Belhamlaoui et sa famille.

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