jijel-archeo

jijel-archeo

Jijel, Les grandes Histoires

 


Histoire

« Si nous venions à disparaître, défendez nos mémoires » Didouche Mourad

jijel-archeo

 Ferhat Abbas


Personnalites historiques

Des Histoires & des Hommes

Ferhat Abbas: Une sincérité confisquée

24 août 1899 - 24 décembre 1985


« Notre peuple, las de s'indigner et de plaider en vain sa cause devant un tribunal qui ne connaît d'autres règles que celle que lui inspire le racisme..., s'est tu. On a interprété ce silence et ce calme comme l'expression d'une adhésion. En réalité, la colère est à son comble et ce silence est fait de mépris et de révolte. L'Algérie n'est pas calme, et le divorce pourrait très vite être définitif ». Ferhat Abbas

Ces mots de Ferhat Abbas prononcés quelques jours seulement avant le déclenchement du 1er novembre 1954 sont toujours d’actualité. A lui seul Ferhat Abbas Mekki incarne la probité et la sincérité dans l’exercice de la politique. Il a toujours défendu les pauvres, soutenus les paysans et respecter ses adversaires. Il aimait ces concitoyens et son pays. La trame de son combat est une ossature de constitution. Ses idées visionnaires et intelligentes demeurent tout autant avant-gardistes et auraient pu être bénéfique pour une rédaction attentive d’une constitution moderne et démocratique. Une belle projection toujours tenante et valable même aujourd'hui. Sa lettre de démission Lettre de démission de Ferhat Abbas de l'assemblée nationale.
12 août 1963, 
«Le sang des Chouhada trahi»
du parlement en 1963 en est la preuve éloquente. Elle résume l’esprit de combat de toutes les couches de la société algérienne, ses avatars, ses contradictions et ses espérances politiques post-indépendance. Dommage pour l’Algérie et respect pour celui qui a été de tous les combats de l’Algérie contemporaine.

Karim Hadji - jijel-archeo

Voici sa biographie succincte

Ferhat Abbas Ferhat Abbas est natif de la wilaya de Jijel, plus précisément de Chahna, un village au sud de Taher, le 24 août de l'an 1899. Il est le fils de Said ben Ahmed, ouvrier agricole puis marchand de bestiaux, et de Achoura Maaza bent Ali. Sa famille paternelle est originaire de Oued Seguene qu'elle a du quitter après la révolte des Mokrani en 1871, chassée par l'administration française. Son grand père fut ainsi dépossédé et reconduit à la condition d'ouvrier-fellah. Sa mère est originaire des Béni Amrane Seflia, Tassoust actuellement. La condition de son père changea radicalement et fut nommé par l'administration française, Caïd du village coloniale de Strasbourg (Emir Abdelkader aujourd'hui) puis  Bachafgha du douar de Chahna jusqu'à sa retraite en 1928.

C'est à Djidjelli, actuellement Jijel, que Ferhat Abbas débuta son instruction à l'école primaire en 1909. Il avait alors dix ans. En bon élève, il est envoyé en 1914 poursuivre ses études au lycée de Phillipeville (actuelle Skikda).  En 1921, il est mobilisé pour effectuer son service militaire à Bône (Annaba). Il y est inscrit comme infirmier et en sort en 1923 avec le grade de sergent. De 1924 à 1933, il est étudiant à l'université d'Alger où il choisit de devenir pharmacien. Il s'engage alors dans la politique et le journalisme et il sera connu pour la signature de ses articles dans deux journaux publiés en français  Ettakaddoun (Le Progrès)  et Le Trait d'Union, sous le pseudonyme de Kamel Abençeradj, en hommage au dernier des Abençeradj en Espagne et sans doute par admiration au réformateur Attaturc pour Kamel. Les articles en question seront réunis plus tard dans son livre Le Jeune Algérien. En politique, il devint le fer de lance de l' A.E.M.A.N. (Amicale des Etudiants Musulmans d’Afrique du Nord) dont il est le président de 1927 à 1931. En 1933 il s'installe comme pharmacien à Sétif, sous-préfecture du Constantinois et devient une figure importante sur la scène politique de la ville de Sétif, où il est élu conseiller généra en 1934 puis conseiller municipal en 1935. Journaliste au sein de l'hebdomadaire     «L’Entente franco-musulmane » (communément appelé L’Entente), l'organe de la  « Fédération des élus des musulmans du département de Constantine », il se fait très tôt remarquer par l'ensemble de la classe politique pour son ton radical et sa dénonciation du Code de l'Indigénat.

C'est dans ce journal qu'il écrit le 23 février 1936 le fameux éditorial qui fut mit en devant par ses adversaires et les chantres de la colonisation, adversaires du nationalisme. La Défense du 28 février 1936 qui avait repris l'article avait écrit: « La France c'est moi!», « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n'existe pas?». Quelques lignes plus loin, il écrit: « Personne d'ailleurs ne croit sérieusement à notre nationalisme. Ce que l'on veut combattre derrière ce mot, c'est notre émancipation économique et politique...»,  puis il ajoute: « Sans l'émancipation des indigènes, il n'y a pas d'Algérie française durable...Les intérêts de la France sont les nôtres dès l'instant où nos intérêts deviennent ceux de la France». Le texte en question a divisé plusieurs générations d'historiens et je m'en remet personnellement à la synthèse de Leïla Banammar Benmansour (1).
Son directeur du journal, le docteur Bendjelloul en est tout de même  impressionné. Ils feront ensemble un long parcours et en 1937, Abbas est promu rédacteur en chef de l'Entente. Le journal l'Entente sera pour lui un tremplin pour exprimer sa verve politique. Une année après, en 1938, déçu par l'échec du plan Blum-Violette, il fonde son parti, l'Union Populaire Algérienne qui aura une existence éphémère.
Ferhat Abbas saluant un djoundi
Abbas saluant un djoundi En 1939, il est enrôlé dans le service sanitaire de l'armée à Troyes, puis démobilisé au mois d'avril 1940. Il rentre alors à Sétif déçu par le régime du maréchal Pétain et reste convaincu que colonialisme était « une entreprise raciale de domination et d'exploitation » dans laquelle même les élites républicaines françaises les plus éclairées étaient entièrement impliquées. Après le débarquement des alliés sur les plages d’Afrique du Nord (Opération Torch), en 1943, il rédige l’historique  « Manifeste du peuple algérien », prônant l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et une reconnaissance de l’identité algérienne, et  rompt définitivement avec ses thèses assimilationnistes antérieures. Le texte sera suivi d'un additif en mai, un « Projet de réformes» faisant suite au Manifeste du Peuple algérien » pour une Constitution pour l’Algérie. Ce projet sera rejeté par le nouveau gouverneur général, le général Catroux et Ferhat Abbas sera assigné à résidence à In Salah par le général de Gaulle de septembre à décembre 1943.

Le 14 mars 1944 il crée « l’association des Amis du manifeste de la liberté » (AML) soutenu par le cheikh Brahimi de l'Association des oulémas et Messali Hadj exprimant fortement l’avènement d’une république algérienne, inaugurant une nouvelle dimension dans les revendications légitimes du mouvement national. Ferhat Abbas avait compris qu’il était à un tournant décisif de la lutte politique face à un système colonial féroce et fermé. Ne disait-il pas quelques années plus tard: « Je préfère le compromis honorable à la violence et, connaissant le passé colonial, j’appréhendais surtout les révoltes et la mort de multitudes d’innocents. C’est pourquoi j’ai cherché longtemps la solution de conciliation. »
En septembre 1944, il fonde l’hebdomadaire  «  Égalité  ». Sous titré, Égalité des hommes - Égalité des races - Égalité des peuples, il reprenait les sentiments autonomistes et indépendantistes contenus dans le manifeste. Au lendemain des massacres de Sétif de mai 1945, il est tenu pour responsable  et arrêté. Il est condamné à une année de prison et l'AML est dissoute. Libéré en 1946, Ferhat Abbas fonde en compagnie du Dr Saâdane, de Boumendjel et d'Ahmed Francis, l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA) et rompt avec Messali. Son journal l’Egalité interdit ressortira sous le titre « La République Algérienne ». Ses positions se durcissent alors que le mouvement nationaliste gagne déjà en maturité. Et lors des élections législatives du 10 novembre 1946, Ferhat Abbas et ses partisans sont battus et remplacés par des partisans du  « Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques» (MTLD) de Messali Hadj.
En 1948, il est élu député de Sétif à l'assemblée nationale. Son combat fut inlassable et durant les débats à l'assemblée il plaide farouchement du problème de l'émancipation de la république algérienne. S'en suit une bagarre entre les élus indigènes et français après la montée au verbe de Ferhat Abbas, quand il déclare devant l'assistance: « Il y a cent seize ans, Messieurs, que nous attendons cette heure...Nous autres primitifs, avons eu la patience de vous écouter: n'auriez vous pas la générosité de nous entendre...une dizaine de minutes...?»  (2). Ferhat Abbas est dubitatif face au déclenchement de l'insurrection du 1er novembre 1954 par le FLN (Front de Libération Nationale). Lors d'une rencontre avec Jacques Soustelle, il lui déclare: « Nous sommes tous des Fellaghas. Ceux qui sont courageux ont pris les armes, ceux qui le sont moins sont en face de vous ». Il adhère au FLN en 1955 après des entretiens avec Abane Ramdane qu'il estimait beaucoup. Ses pérégrinations le conduiront à Montreux, Tunis puis Rabat. Il  devient membre du C.C.E. (Comité de Coordination et d'exécution) en 1957. Il sera désigné le 19 septembre 1958, en pleine guerre d'Algérie,  premier président du G.P.R.A. (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne). Il fut remplacé à la tête de la présidence par Benyoucef Benkhedda sur décision du C.N.R.A. ( Comité Nationale de la Révolution Algérienne) réuni à Tripoli au mois d'août 1961. La présidence de Ferhat Abbas pris fin le 17 septembre 1961. En 1962, il est élu député de Sétif à l'assemblée nationale algérienne puis président de l'assemblée constituante en septembre. Le 12 août 1963, il démissionne de l'assemblée. Lui, le démocrate ne pouvait admettre pour le peuple algérien qu'il avait défendu et qu’il respectait, l'absence de liberté et de responsabilité chez les nouveaux dirigeants. Dénonçant d'emblée les dérives autoritaires du régime en place qui menait le pays vers une « soviétisation » forcée, avec des concentrations de pouvoir désopilantes chez le président Ben Bella, à qui il reproche « son aventurisme et son gauchisme effréné », qui pourrait entraîner à terme le pays vers la régression et l’impasse. Il est tout de go exclu du FLN par Ben Bella et emprisonné à Adrar jusqu'en mai 1965, date de sa libération à la veille du putsch de Boumediène du 19 juin. Dix ans après s’être retiré de la vie politique, il revient en mars 1976, fidèle à ses convictions sur les questions de démocratie et des libertés et rédige avec Ben Youcef Ben Khedda, Hocine Lahouel, ex-secrétaire général du PPA-MTLD, et Mohamed Kheireddine, ex-membre du CNRA, un « Appel au peuple algérien », réclamant des mesures urgentes de démocratisation et dénonçant « le pouvoir personnel » de Boumediène et la Charte Nationale qui  conduirait à l'absolutisme des pouvoirs. Il est alors une nouvelle fois assigné à résidence jusqu’au 13 juin 1978. < Le 1er novembre 1984, il est décoré au nom du président Chadli de la médaille du résistant  dans sa villa à Hydra... Ferhat Abbas décède le 24 décembre 1985 à Alger. Il sera enterré dans le carré des Martyrs du cimetière d'El Alia à Alger. K. H.
jijel-archeo Memorial


Notes:
  • (1) Leïla Banammar Benmansour, Une vie au service de la société algérienne. El Watan 17 septembre 2008. Puis son livre: Ferhat Abbas, l'injustice, paru en 2010.
  • (2) D'autres rapportent qu'il aurait prononcé ceci: «Messieurs, ayez la gentillesse de nous écouter pendant dix minutes ; vous, que nous avons supporté durant plus de cent seize ans...».

Ses ouvrages:
  • Le Jeune Algérien. La Jeune Parque, Paris, 1931 [réédition Garnier, 1981.
  • Le Jeune Algérien : 1930.De la colonie vers la province. (suivie de) Rapport au maréchal Pétain : Avril 1941.
  • J’accuse l’Europe. Libération, Alger, 1944.
  • Guerre et révolution : La nuit coloniale. Julliard, Paris, 1962.
  • Autopsie d'une guerre : L’aurore. Garnier, Paris, 1980. 
  • L'indépendance confisquée. Flammarion, Paris, 1984.
 

 
Imprimer| Haut de page| Retour| Ajouter aux Favoris| jijel.archeo@gmail.com

Site réalisé et édité par Archeonat & Jijel-Archeo - © Copyright 2006-2016 Tous droits réservés. Aucune partie de ce site ne peut être reproduite, stockée, copiée ou transmise par aucun moyen, sans une autorisation préalable de l'éditeur, sauf pour le seul usage personnel ou scolaire. All right reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without prior written permission of the publisher, except for only personal use or school. Recherche et référencement