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Jijel, Les grandes Histoires |
Salah BOUSSELOUA est né à Jijel (Djidjelli), petite ville côtière de l’Est algérien. Fils de marin, il commença ses études à l’école maternelle mixte puis à l’école « Indigène » où il fut peiné de voir la plupart des écoliers venir en classe mal vêtue et souvent sans chaussures. Orphelin de mère en bas âge, il fut élevé par sa grand-mère maternelle qui lui inculqua la pensée religieuse et l’amour de la terre des ancêtres. Deux faits majeurs ont marqué sa vie d’enfant : la grande misère de ses coreligionnaires et les grèves férocement réprimées par l'armée française dans les usines de liège et le port dont l’économie était aux mains de la grosse colonisation et des sociétés étrangères.
Jeune, il poursuivit des études secondaires dans la même ville et les acheva à Alger dans une école de cadres spécialisée dans le développement du patrimoine forestier et la mise en valeur des terres.
À l’âge adulte, il adhéra au P.P.A. (Parti du Peuple algérien), parti national radical activant dans la clandestinité, puis aux A.M.L. (Amis du Manifeste et de la Liberté) parti nationaliste modéré légal. Appelé au service militaire en 1944, il fut dirigé sur l’E.S.S.M de Meknès au Maroc (École d’officier du matériel). Renvoyé à la vie civile après la guerre, en 1946, il reprit la lutte politique au sein de l’U.D.M.A (Union Démocratique du Manifeste Algérien), héritière des A.M.L qui fut dissoute en 1945. Élu conseiller municipal sur la liste U.D.M.A, en 1952, il démissionna avec l'ensemble des co-élus en 1954 pour rejoindre le F.L.N. (Front de Libération Nationale).
Son don pour la littérature lui permit d’écrire dans un premier temps, des pièces de théâtre satiriques stigmatisant les fléaux qui accablaient sa société d’avant l’indépendance : "J’ai vendu ma famille", "Le joueur", "L’avare" ; pièces jouées au bénéfice des œuvres de bienfaisance de la ville. Arrêté en 1957 par les parachutistes français, il subit la "question". Le spectacle des prisonniers qu’on ramenât à moitié morts ou à demi fous des chambres de torture lui inspira le scénario "Douleur" écrit en prison.
En 1962, lors des fêtes du recouvrement de l'indépendance, il renoua momentanément avec le théâtre à Skikda en organisant une grande soirée en faveur des œuvres sociales de l'ALN, avec pour pièces principales "Trois femmes de chez nous". Puis, le jeune cinéma algérien prenant de l’essor, il se consacra à l’écriture de scénarii. Deux films "Douleur" et "Les joueurs oubliés" furent réalisés par la R.T.A. (Radio Télévision Algérienne) puis d’autres scénarii suivirent, mais ne furent malheureusement pas portés à l'écran faute de compréhension et de financement. Ils restent maintenant inconnus des lecteurs et de ses fans.
En voici la liste :
Le ralentissement de la population cinématographique en Algérie annonçant le déclin de son cinéma, lui fit prendre une autre option, celle de l’écriture et l’édition. Parallèlement, il s’essaya à la poésie versifiée libre.
Parmi ses autres travaux livresques, nous en citerons :
Salah Bousseloua décède à Jijel au matin du lundi 13 janvier 2014,...quand il commençait à pleuvoir.
Nous livrons ici quelques extraits de ses poésies et un poème entier suscité par l'épreuve de ses compatriotes en lutte pour leur indépendance.
Femmes exploitées | La mort d’un martyr |
… Est-ce toi cousine, Qui déjà courbe l’échine Par de vaines recherches, désolées ? Tes deux frères sont morts Dans quelque sinistre fort Pas une tombe pour te consoler… Et toi frère, qui piochant Ta tombe, aux cils de la larme, En voyant bord à bord Alignées les armes Dit « laissez-moi d’abord, Embrasser mes enfants » |
… Le jour en son dernier soupir, Plaint, ceux qu’on a fait mourir Personne pour te veiller ! Personne pour larmoyer ! Seul, comme de Caïn, l’œil Caïn ; meurtrier de son frère, Un rayon de soleil, Du toit descendu, Auréole ton sang répandu Et couvre ton corps tendu, D’un linceul de lumière. |
Les pigeons de la prison | 20 Août 1955 |
L’air est bleu, aspect des cieux Tout est silencieux Profitant de la pause Les détenus se reposent Chassant par la pensée Par des pigeons bercés Le lourd pénitencier. Soudain, un coup de feu Fait trembler jeunes et vieux Qui sentent sur eux, passer L’ombre du poteau et du fossé Les colombes furent, alarmées Dans un sombre nuage de fumée… Pourtant, l’une d’elles revient Et, sur le rebord de la lucarne, perchée Boite sur sa patte tranchée Par le fusil d’un gendarme. Un mince filet de sang, le sien Coule lentement, comme une larme Sur le lugubre mur noir. Appuyée aux barreaux, Elle veut savoir Pourquoi les hommes d’en bas ne disent rien Et ceux d’en haut, tirent sur les oiseaux. |
… Des maisons, on les fit sortir Au stade on les fit venir Terrain de jeux Devenu cirque de jeux Où le Romain en délire Réclamait le sang des martyrs Où la mitraille fauchait Où le fier soldat devenait boucher … Le soir Quand tout fut noir La mort s’arrêta ; Un corbeau chanta. Alors, Skikda la belle Sentit en elle, Une affreuse rancœur Le deuil au cœur Mais ne voulant pas mourir, Elle serra les mâchoires Pour ne plus sourire. |