jijel-archeo |
Jijel, les évasions |
Une montagne, une seule, a exercé et exerce encore
sur moi une forte attraction, que je ne saurais décrire,
pourtant il en existe d’innombrables dans notre
région escarpée, de toute dimension, de toute
difficulté, tellement serrées et en concurrence
que l’on ne peut les compter, ni s’en souvenir
facilement. Sa silhouette conique est sans pareil, et
demeure visible de Jijel.
Après le col de Texenna, c’est elle qui nous
accueille en premier en haut de sa dignité. Le regard ne
peut pas
l’éviter. Dressée au sud, Tamesguida
garde et protège fièrement, depuis la haute
antiquité, les arrières du pays jijelien et ses
chaînes montagneuses littorales. Ce jour de retrouvailles,
après les années de crise qu’a connue
le pays, ranima en moi d’anciens souvenirs aussi joyeux que
gais, en dépit du temps évanoui. Pour vous avouer
et le
déclarer maintenant, en 1989, j’en avais fait
l’escalade. Avec un groupe d’amis au cours
d’une randonnée inoubliable de plusieurs jours. Et
aujourd’hui, je retrouve ma belle montagne en cette fin de
mars 2010.
Nous sommes le mercredi, le 30e du mois; le bus qui se dirige vers les Béni Foughal de Tamesguida s’arrête à la lisière de la contrée des Béni Yadjis. Juste après l’oued Akabal, qui trace la frontière entre ces deux tribus étalées sur les contreforts nord de la montagne, autrefois belliqueuses et réconciliées depuis fort longtemps.
Malgré la démarche de notre ami auprès du chauffeur, celui-ci a décidé de ne pas aller plus loin, alors que d’habitude, il s’aventurait à une distance beaucoup plus éloignée et même risquée. La mechta Terfia est à nos pieds, mais nous l’ignorons_ Pourquoi ? j’y reviendrai après_ et nous débutons notre marche. Où allons-nous ?
Comme je vous l’ai dit tout à
l’heure, je vais revoir ma montagne et descendre en sens
inverse l’itinéraire que j’avais
déjà emprunté en 1989, du moins dans
une petite portion, et aller prospecter une grotte près
d’El M’sila. Non ! Pas celle du Hodna. Celle du
territoire foughalien. Pour ce faire, un guide local, non
assermenté, va nous y emmener mon ami Mohamed, qui trouve du
grand plaisir dans ces randonnées et découvertes,
et moi.
J’ai
hâte de l’observer. Empressé
qu’elle consente à m’accueillir. Vous
savez maintenant, et je ne vous cache rien, je
m’intéresse de plus en plus à la
géologie locale et pour les besoins de mes pages et celles
qui traiteront du monde souterrain, je vais débuter par
dresser de petites notices des grottes visitées. Ce sera un
clin d’œil géologique et touristique
à la fois. Si vous avez des idées ou des
suggestions et plus des sujets, donc n'hésitez point!
J’absorbe vite mes émotions, la montagne
demeure fière et éternellement impressionnante
malgré le temps passé. Féminine aussi
et tout aussi haute. Ne dit-on pas que Tamesguida pourrait
être l’une des sœurs de Mezghitane, de
Gouraya et même probablement de Saddat. Je consens, on parle
peu de cette dernière. Mais, qui en a la preuve ? Et
pourquoi ne serait-ce que ces mythiques montagnes berbères
qui soient frangines ? Pourquoi laisser aux hommes et aux
mâles les oueds ; oued El Kébir, oued Djen djen,
oued Adjoul, et j’en passe ? Est-ce une
répartition écologico-biologique ? Ou
misandro-mysogyne ? À vous de voir.
Vraiment, nos belles
montagnes nous ont tout le temps protégées.
Telles nos chères mères. Nos oueds
serpentés, tout en se tortillant, coulent sournoisement vers
la mer, feignent de montrer leurs scénarii de destruction,
étouffent le danger menant jusqu’à la
catastrophe, en dissimulant leurs ardeurs travesties. Tout au long des
années de pluie et des ondées, ils cachent un
comportement sibyllin et peuvent à tout moment se
déchaîner. Comme s’ils
étaient les seuls dépositaires de la
colère. Ils possèdent ce caractère
torrentueux, androgyno-masculin, qui nous a tant menés
à la perte. Ils ne finissent d’ailleurs point de
lacérer et déchiqueter nos reliefs, de reporter
nos espaces et nos espoirs. Soyons sérieux. Qu’est
ce qu’il y’a à Oued Z’hor ?
Des fleurs : Vous croyez ? Le pessimisme renvoie sincèrement
à la limite, aux frontières invisibles.
Questionnez oued El Had !
Nous dépassons les oueds Dahmane et Boutaleb, proche l’un de l’autre, et qui coulent toute l’année. Le chuchotement de leurs eaux essuie le silence auquel nous nous sommes imprégnées depuis ce matin. Ils se rejoignent au loin, près d’El Marsa, paisible coin verdoyant de simplicité, pour former beaucoup plus bas l’oued Bou Nassa[La rivière des femmes]. Une vieille connaissance. Mais je vous en supplie, ne dites point qu'il y avait des femmes!
Effectivement, comme je l’ai déjà précisé antérieurement, bien avant les événements douloureux qu’avait connus le pays, en 1989, j’avais remonté ce cours après avoir campé à oued Djendjen, près de Aïn Bou Kiki, esthétique nom digne d'une Pub, et la grotte du Kef. Nous sommes montés dès lors jusqu’au sommet de Tamesguida, laquelle cime m’émerveille encore aujourd’hui. Du sommet, je me souviens, nos regards embrasaient toute cette proportion de Numidie, déchiquetée, depuis le littoral jijelien jusqu’à Constantine, et les inoubliables ruines de Djemila qui se paraient des couleurs rougeoyantes du coucher du soleil. On distinguait très facilement les monts de Selma, de Babor et de Tababort, qui semblaient négocier les hauteurs à travers une saine concurrence naturelle et géologique. Ce sublime panorama, se complétait à l’ouest par le lac du barrage d’Erraguène, immense parmi les mers, blotti à l’intérieur d’un bol formé de montagnes aussi hautes les unes des autres.
Le sentier longeant le mont TiouraraneBon, revenons à aujourd’hui, à notre marche ; nous quittons la route pour emprunter les sentiers pédestres, idéals pour la micro-musculation des pieds et la micro-circulation. Mais attention aux entorses. Tout de même, cela devient de plus en plus intéressant. Les lignes bigarrées tracées aux flancs des montagnes nous conduisent facilement en direction du djebel Tirouaouane, un beau monument de calcaire, presque du marbre, blanc, peint de quelques végétaux accrochés à la paroi que l’appel du printemps naissant aurait réanimés. A son pied, coule dans des schistes noirs un ruisseau, que nous devrions enjamber. En descendant le sentier, je prends le temps de m’arrêter, un affleurement calcaire m’aveugle, si l’on ne se prêtait pas, on aurait dit qu’un tas de neige aurait survécu à l’hiver. Du sucre cristallisé abandonné par la nature. Les géologues appellent cela du calcaire saccharoïde. À propos ! Quelques photos pour la géologie.
Ah ! Encore, notre ami et guide, me montre une portion du rocher où plusieurs personnes nous ont assurés avoir vu, depuis qu'ils connaissent le lieu, des inscriptions inintelligibles. La pierre gravée est jonchée à une vingtaine de mètres au dessus du sentier et reste très difficile d’accès. Au retour j’avais pris un cliché en zoomant à partir de l’éminence d’en face, mais le résultat est insatisfaisant. Regardez la photo.
Notre sentier, nous amène à passer
près de la maison de notre ami accompagnateur. Il en profite
pour voir la maison et embrasser ses parents. Depuis 1994, il
n’avait plus mis les pieds là-bas. Quelques
minutes et il en ressort. Nous continuons notre marche sur le sentier
qui mène jusqu’à la grotte Tergou
creusée dans le rocher calcaire. Des images d’une
nature riante se succèdent à chaque
détour.
Ce chemin fut jadis emprunté par les
maquisards. Il mène vers une maison qui possédait
une casemate s'ouvrant sur une ravine, lieu de repli et
d’étape dans ce
secteur des chefs de la wilaya II. Avant sa mort, le commandant Rouibah
Hocine et ses compagnons Ahsène Chikh, Bentobal
Saïd, frère de Lakhdar et Boughnout Rabah y avaient
passé la nuit près de la grotte du Kef,
à oued Bou Nassa. Ils devaient débuter leur
marche durant la nuit mais le commandant insista pour qu’il
parte le matin. Le lendemain, le 09 novembre 1960, ils furent
interceptés par l’armée
française à Aïn Lebna où ils
furent aussitôt tués avant d’atteindre
la zenaie, à l’exception de Boughnout qui
réussit momentanément à prendre la
fuite enveloppé dans une kachabia essayant dans geste de
survie d’atteindre un groupe de personnes au loin et se
fendre dans la population. Mais il fut vite
repéré par un hélicoptère
et abattu quelques dizaines de mètres plus loin. Les chahids
regroupés sur un terrain, reçurent les honneurs
des soldats français, sur incitation de leur chef. Ne se
doutant point de l’importance de ces responsables et
étant dans l’incapacité
d’identifier tous les martyrs, seuls, les chahids commandant
Rouibah, chef politico-militaire de la wilaya II, et Bentobal
Saïd furent transporté par
hélicoptère au camp militaire de Aïn
Romane, près de Texenna, où des membres de leurs
familles furent autorisés à venir
l’identifier. Les vénérables
Ahcène Chikh et Rabah Boughnout, furent au départ
de l’armée française,
inhumés rapidement par la population qui avait pris soin de
cacher totalement leurs sépultures par de la
végétation. Ils ne furent plus
retrouvés par les soldats venus les
récupérer. À
l’indépendance, leurs ossements furent
rapatriés dans leurs régions d’origines
et ré-inhumés dans les carrées des
martyrs au coté de leurs frères de combat. Quand
à Rouibah et Bentobal, leurs corps,
jusqu’à maintenant n’ont pas
été retrouvés.
J’espère qu’un jour, une âme
sensible d’ici où d’ailleurs, indiquera
le lieu de leurs sépultures ignorées de leurs
familles et de leur pays, pour qu’il puisse, plus
d’un demi-siècle après rejoindre les
siens. Qu’ils
reposent en
paix[Allah Yarham Echouhada].
Sur un sentier en épingle de cheveu, une petite cascade jette son eau dans une chaâba. Cette image, en terrain champêtre, où poussent par bande des fleurs multicolores, m’incite à m’arrêter. Je ne peux m’en passer de prendre des photos. Mes deux amis m’ont dépassé. La nature m’invite à me pavaner, à me prélasser. Mettre la tête sur un oreiller de pâquerettes et sentir les odeurs mélangées de la flore numide et alpestre, en contemplant un frêne qui s’accroche ardûment à un sol en oblique, est la première et impossible envie que j’ai tout de suite ressentie. Puis j’ai pigé que la cascade est muette. Elle jaillit au pied du sentier à la limite des calcaires et des marnes, sans faire de bruit.
Une petite fleur, unique durant tout le trajet, exhibe sa couleur bleue et mauve d’une
délicate harmonie. Sa minuscule floraison refuse
l’optique de mon modeste appareil photo.
Au loin, mes amis
entrent dans une tente de verdure. Je les rejoins pour admirer un
spectacle inouï. Un paysage vert et blanc, digne des couleurs
de la JSD, notre équipe locale. Le vert de la
végétation et le blanc immaculé des
calcaires, parfois aveuglants face au soleil, si abondants, qui
autrefois, construisaient des maisons actuellement ruinées
et délaissées par leurs habitants, pour cause
d’insécurité.
Un très
beau
matériau que l’on pourra utiliser dans la
construction. Il est si naturellement taillé. Les joints de
stratification visibles sur tout le rocher, les strates peu
espacées
seront d'une grande aisance pour le débitage des pierres.
Arrivés près d'un ruisseau, un berger
nous arrête et nous conseille de rebrousser chemin, car le
chemin qui mène vers la maison des parents de Abdelali, a
été emporté par un glissement de
terrain. Sauf, si nous nous aventurions à emprunter un
sentier détourné, ce qui augmenterait davantage
la distance. D'un accord commun, nous décidons de revenir
sur nos pas et aller jeter un coup d'œil en
définitive sur la grotte Tergou toute proche. D'ailleurs,
notre ami guide nous fait signe de son bras droit pour nous l'indiquer.
Perché en contre-jour sur un monticule qu'il a vite
escaladé, il s'extasie en nous montrant fièrement
l’entrée de la cavité, qu’il
persiste à désigner par ghar Ghoula[La
grotte de l’ogresse]. L'ogresse, qui
à défaut d'une éducation pacifique,
nous est agitée, tel un fantôme
théorique, pour tempérer les agitations
infantiles et les effervescences involontaires de notre petite enfance.
De nous redresser.
Des irisements
multicolores du soleil en contre-jour voilent
l’entrée de la cavité
ombragée. Une
légère montée
mène à son entrée. On arrive assez
facilement au talus verdoyant qui pourrait cacher quelques outils
d’une industrie préhistorique. Malheureusement, la
végétation masque cette «
partie
de l’histoire ». Mes amis entrent en
premier, ils sont
plus sportifs. Nous déposons nos sacs au pied du vestibule.
Un petit coup d’œil, pour s’apercevoir
que ce « ghar »
est petit. Quelques
mètres de profondeur, six environ et quatre de largeur. Des
reliques de stalactites pendent du plafond. Des gouttelettes
d’eau gorgées sans nul doute de calcaire,
synchronisent le temps en s’affalant au sol. À
l’est s’ouvre une petite fente
d’où se répand une lumière
auréolée. Des plantes héliofuges
jonchent le parterre, l’écuelle d’eau
étale ses feuilles arrondies, «
capucinées ». Je laisse les
détails
pour les botanistes. D’autres la concurrence dans ce
réduit. Et s’ils n’en veulent point, je
traiterais celles-ci prochainement dans la rubrique muséum
d’histoire naturelle, en cours de réalisation. La
chambre est certes exiguë mais enveloppante, apaisante. Lieu
idéal pour cette partie de campagne. On va se reposer et
prendre quelques photos. La grotte sera traitée dans la
partie géologie,(Monde souterrain)[La
grotte Tergou] Cliquez-ici .
Ce pays bouillonnant est plein d’histoires, saturé d'oxygène...
Sitôt la visite de la grotte terminée,
nous
prenons le chemin inverse pour aller
dîner
près de la maison de notre guide Abdelalli. D’une
bonne gentillesse, il nous dresse une petite table basse en bois, qui
sera aussitôt garnie par de beaux morceaux de
«
kesra » cuits, façonnés
et
découpés en quart de lune _ les fervents en
connaissent le sens, les conservateurs en seront émus _ par
les mains expertes d’une femme, sa mère,
accueillante et bienveillante
sur tous les gestes de son fils.
Qu’elle ne cesse d’interpeller pour qu’il
se depêche à terminer la table.
Alors, commence la
procession du Lben, un bidon s.v.p.[Allah
Y
Barak], une délectable motte de beurre
fraîchement
enfantée d'où émane une
légère humidité qui se fait suinter
sur les côtés, et puis, quelques
minutes après, une dose de café noir à
l’eau de source.
Le père d’Abdelalli
arrive, il nous rejoint à table. Et la conversation commence
à propos de l’histoire et les
événements passés. Il nous confirme
l’existence d’une épave
d’avion datant de la deuxième guerre mondiale
à quelques kilomètres de là, et que
nous ne pourrons visiter aujourd’hui. L'avion
allemand aurait été abattu par la
défense française. Concernant
l’hypothétique inscription du mont Tiouararane,
son
témoignage atteste de sa vérité ; il
appuie son histoire en déclarant, selon sa description, ce
que j’ai pu entrevoir comme une sorte de caveau ou
d’un bloc évidé de
l’intérieur et qui serait sculpté. Ce
vestige aurait dégringolé en bas du ravin
profond. Plusieurs personnes ont soutenu ces indications
intéressantes. Mais l'exploration sera pour une prochaine
fois...Je vous tiendrais au courant.
Maintenant, nous remontons la pente pour rejoindre la route.
Le soleil est au zénith. Sa forte luminosité a
réduit les ombres et recomposa le paysage tel un aplat. Des
rochers offrent quelques réflexions. Tout est paisible, et
là, quelques flaques d’eau couvertes de lentilles
d’eau vertes forment un impressionnant gazon flottant. Nous
atteignons enfin la route et débutons notre retour. Deus ou
trois kilomètres pour arriver à
l’arrêt du bus. En cours de chemin, nous
rencontrons Ami Moussa, un gars presque centenaire, en pleine force,
soulevant une grosse motte de foin à lui tout seul. Nous
l’approchons pour nous indiquer la sépulture
d’un français tué durant la guerre
d’Algérie, et qu’on dénomme
ici, « Kbeur Erroumi
» ,
la tombe du chrétien. Il fut atteint d’une balle
tirée de loin et inhumé par la population locale.
Dommage que l’on ne connaît point les circonstances
de sa venue dans cette contrée, ni également son
nom, qui reste pour nous inconnu.
D’un pas forcé,
le vieil homme tel un lion en quête d’un but,
emprunte avec nous un bon bout de trajet pour nous montrer le lieu de
la tombe, « du soldat
inconnu
» , près de Mzaret es Satura, endroit
assez loin,
pour que nous puissions nous rendre aujourd'hui.
Finalement, nous le
remercions pour son
amabilité et nous le priâmes de
s’arrêter afin qu’il puisse revenir
à son travail, estimant qu’on le
dérangera assez, s’il s’obstinait, le
gentilhomme, à
nous y conduire. Nous le rassurâmes de notre prochaine venue
pour s’enquérir davantage de ce pan de
l’histoire humaine. Et nous dirigeâmes vers le lieu
de notre embarquement qui ne fut pas immédiat.
À notre arrivée, au parking
improvisé, un bout de terre plat près
d’une piste
descendante, déjà, une poignée de
personnes scrutait l’arrivée de l’ultime
bus. À cette heure, il n’y aura plus de prochain.
Nous
entamons avec eux une bonne discussion, sur les
potentialités de leur région et des
difficultés qu’ils rencontrent. Tout le monde
s’attardait sur les événements de la
guerre de libération nationale, au point qu’ils
ont vite oublié les années sombres et grises
d’une guerre toute proche.
C’est très frappant alors qu’ils en ont souffert. Ils sont restés dignes. Comme leurs aïeuls et leurs reliefs
dressés telle une barrière entre la
méditerranée et les hauts plateaux
sétifien et milévien, que
l’élément romain a
évité et surtout redouté.
J’ai retrouvé chez eux le vieil accent jijelien,
inextricable et vivace, auquel la ville de Jijel en a tourné
le dos, pour s’approprier un patchwork de dialectes et de
mots d’origines diverses et dès fois lointaines.
Nous étions près de la mechta Terfia, connue pour
ses milliaires du XXII miles, très bien traitées
par Pierre Salama dans son ouvrage «
Les voies antiques entre
Igilgili et Sétifis », et la
nécropole
romaine de Mzaret es Satura, non loin de là. Tout en
échangeant des points de vue, un interlocuteur nous montre
du doigt le lieu que nous cherchions précédemment
: « La tombe du Roumi
est tout près de là, près du
cimetière musulman » nous dit-il.
Seulement c’était assez loin pour que
l’on puisse y jeter un coup d’œil. Le
tout près du djebel n’est pas aussi
près de ce que l’on pourrait imaginer.
Concernant d'autres curiosités archéologiqueset
et le restant de vestiges, certains nous ont parlé de
la région d’Asmassen, [big name]
au-delà du djebel
Tiourarane, que l’on a visité ce matin,
où il semblerait qu’au cours des labours, des
fragments de poterie et de pierres taillées seraient
déterrés régulièrement.
Quand aux cavités, deux indications méritent
d’être rapporter. Il s’agirait en premier
de Ghar Kef el Mecheref à Boudjouada, près
d’une source (nabaâ). C’est une grotte
très profonde, utilisée par ailleurs durant la
guerre de libération par les maquisards. Son
entrée, aurait selon d’aucuns,
été canonnée par
l’armée française. Le second
s’assimile plutôt aune ancienne galerie
de mine. C’est le Ghar
Berkouche[di
Berkouche, eh! oui.
]. Mais est ce un? Est-ce une grotte? J'en
doute. Selon nos interlocuteurs amis, des rails persisteraient
à
l’intérieur, tandis que des brouettes et
des pioches
ont été délaissées.
Actuellement son entrée est grillagée. Ce sont
les seules informations que l'on
a pas pu obtenir. Dès lors, je pense que ce
sont les services des mines qui ont la charge de cet endroit qui ont
clôturé le
site.
Au sujet de mechta Bouchekaïf et de la nécropole
romaine de Mzaret es Satura, une autre personne habitant
près du site en question, nous confirme avoir effectivement
découvert, lors du creusement des fondations de sa maison,
une grosse pierre rouge portant une épigraphie ; son ami
intervient aussitôt en disant qu’ « il subsiste même un
personnage sculptée sur une autre pierre ».
Le gros bloc a du être brisé afin de poursuivre
les travaux, sans pour autant faire annonce de
cette découverte,
justement ou pas, pour ne pas être inquiéter et
éviter les tracasseries et autres procédures
bureaucratiques qui retarderaient définitivement la
construction.
Cette attitude est fort regrettable, car elle nuit à la
conservation du patrimoine. Mais reste tout à fait
cohérente, du fait de la
« passivité
sociale et culturelle » des responsables en
charge des
affaires courantes. Que ce soit les responsables locaux ou
départementaux, personne ne fait preuve d’une
pédagogie ou d’un enseignement, qui ferait que ces
populations en soient les premières garantes de leur
patrimoine immémorial en leur inculquant une
sensibilité, oh ! Combien capitale de leur histoire tout en
les aidant socialement. Tout ce monde s’en fiche pas mal de
leurs conditions sociales. Chaque maire construit
l’école communale près de sa mechta, ou
fait traverser la route près de son domicile, même
si cela dérangerait 90% de sa population. La plupart des
élus de ces populations montagnardes ont le pied
à terre dans les chefs lieux des grandes communes.
L’élément humain, et c’est le
plus important, n’est arrosé par aucune
compassion. Également, des tas d’objets
archéologiques et historiques sont
éparpillés dans leur territoire, sans
qu’il s’émeuve de les voir
disparaître. Alors qu’un geste simple de ramassage
les sauveraient de la détérioration et de la
déperdition.
Bon, le bus est arrivé, prenons-le et retournons chez nous !
Karim Hadji pour jijel-archeoMais Je vous laisse malgré tout admirer quelques photos