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Jijel, d'un repère à un autre |
Maintes personnes habitantes Jijel ou étrangères à la ville, qu'elles soient férues d'histoire ou non, se sont taraudé l'esprit un jour, et se sont posé la question, tout à fait légitime par ailleurs, de ne point trouver de vieille médina ou casbah, dans la ville de Jijel, comme dans d'autres cités algériennes également. Et pour commencer à découdre ce noeud gordien, j'ai jugé utile de publier un arrêté, datant de l'époque coloniale qui consacre l'expropriation des biens des citoyens de l'ancienne ville de Jijel et leurs appropriation par le génie militaire français, afin d' y édifier un quartier militaire.
L'arrêté publié juste après le tremblement de terre de 1856, fut utilisé comme justificatif sécuritaire pour l'évacuation civile de la ville ancienne qui était sur la presqu'île. Bien qu'il y avait énormément de biens et un patrimoine archéologique et social à conserver, et en dépit des destructions subites au jour du 22 août.
Lorsque la reconstruction fut entamée, les remparts furent bâties sur les anciennes fortifications romaines et byzantines, qu'on est est allé cherchées jusqu'aux fondations. Ce choix proposé en 1841 par le génie en Algérie (1), causa énormément de dégâts aux antiquités jijelliennes, puisque les murs de plusieurs édifices pouvaient être enfouis des mètres au dessous des premières destructions et étaient ainsi grandement dérangés.
L'arrêté, publié ci-dessous, montre que « l'Algérie a été le terrain d'expérience sur lequel l'esprit militaire, comme dans dans un test projectif, a plaqué ses structures » (2). Évidemment qu'il y avait eu des réticences et des oppositions par des militaires au fait de l'archéologie et des antiquités, malheureusement ils n'avaient pas assez de poids pour convaincre. Ne parlant pas des autochtones qui furent déracinés et dépaysés dans leur nouveau lotissement. Bien des familles ont du quitter la ville pour trouver refuge dans l'arrière pays et recréer une nouvelle vie... D'autres ont subi plus tard, les conséquences du séquestre, pour ne pas avoir rejoins la citadelle après l'ultimatum fixé par les autorités militaires, qui considérait le fait de ne pas revenir et se déclarer, comme un bellis causa. Plus tard, comme on le sait, ils furent totalement dépossédés de tout leur biens et parfois même déportés comme ce fut le cas après la révolte d'El Mokrani en 1871.
À Jijel, « la colonisation a remplacé la ville, en créant le damier colonial, comme d'autres créations en Algérie, à l'extérieur des remparts » (3), sur la petite plaine marécageuse. Pour ces travaux « haussmanniens », une grande quantité de matériaux de l'ancienne ville, partiellement détruite par le séisme de 1856, fut réutilisée. Un remaniement totale s'en suivit, la ville arabe et turque, qui avait déjà employé la pierre romaine, fut à tout jamais délocalisé, laissant sur place des vestiges de plus de vingt siècles. Tout un patchwork historique et archéologique; mosaïques romaines, aqueduc, chapiteaux, colonnes, mosquées, minarets, habitations, etc...; disparaissait.
Synthèse: Karim Hadji Sources:Voici maintenant l'arrêté par lequel fut décrété l'évacuation de la ville et le déménagement des familles de Jijel
N° 663. - ARRÊTÉ DU MINISTRE qui déclare d'utilité publique l'établissement d'un quartier militaire dans la presqu'île ou vieille ville de Djidjelli.
Du 14 octobre 1859
AU NOM DE L'EMPEREUR,
Le ministre secrétaire d'état au département de l'Algérie et des Colonies,
ARRÊTE:
Paris, le 14 octobre 1859.
Signé Cte P. DE CHASSELOUP-LAUBAT