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Jijel, d'un repère à un autre |
Ce livre est né dun sentiment dinjustice : pourquoi El Kabaile El-Hadra (la Kabylie orientale) le pays des Kutama berceau dévénements historiques considérables dont les répercussions ont touché tout le Maghreb et le Moyen orient, est-elle restée hors du champ des études historiques ? Ce désintérêt aurait-il pour cause lextrême complexité des questions que lhistoire de cette région soulève ? Qui sont donc ces « Kabyles», parlant « arabe », sans doute descendants des fameux Kutama, mais qui refusent obstinément de se revendiquer de cette ancestralité ? A la suite de quoi une population montagnarde, enclavée, réputée berbère depuis la nuit des temps, sest-elle arabisée, et pourquoi son arabe est-il si dissemblable de celui parlé dans le reste du pays ? Quelle est lorigine de sa population, de son particularisme culturel et social ? Que devient la Kabylie orientale après la « conquête coloniale » ? Pourquoi, plus quailleurs, la résistance à l'occupation française a-t-elle, ici, duré aussi longtemps (1839-1871) ? Et pourquoi fut-elle particulièrement acharnée et si meurtrière ? Quels bouleversements, le système colonial lui a-t-il fait subir au point où elle se retrouve en prise à une sorte de « crise identitaire » dont les effets demeurent perceptibles jusqu'à présent? Cest à ces multiples questions que cet ouvrage sattache à répondre.
Paysage de Petite Kabylie. Au fond les contreforts sud du massif de ColloSappuyant sur des documents exceptionnels, Hosni Kitouni, fait uvre de pionnier en abordant, pour la première fois après Marçais et lécole linguistique dAlger, la question de lorigine des parlers arabes des massifs Kabyles quil rattache à la reconfiguration des tribus, conséquence des luttes dynastiques dans le Maghreb.
Retraçant les événements qui ont bouleversé la Kabylie orientale après 1839, année de la prise de Jijel, il nous montre comment la colonisation, telle une bourrasque meurtrière, a détruit paysages, hommes, organisation sociale, culture. « Autrement dit comment le résultat de quinze siècles dhistoire a été, en moins de quarante ans, anéanti ». Destruction entreprise au nom de « la civilisation qui vient au secours dun peuple de sauvages ». Les crimes coloniaux, accomplis en Kabylie orientale, lont été avec une telle barbarie et une telle haine quil est insoutenable den évoquer même le souvenir. Pourtant, il faut bien que cette histoire soit écrite pour que nous avancions dans la connaissance de nous-mêmes, mais surtout, pour déjouer les pièges tendus par lhistoriographie coloniale qui continue à faire des ravages dans la pensée dominante.
Un souci constant nous a animé du début à la fin de ce travail : restituer dans sa plénitude le rôle du peuple dans son histoire en nous plaçant résolument du point de vue de ceux qui souffrent et luttent pour préserver vaille que vaille leur liberté et leur vie.
Vestiges à Béni F'tahEnfin, en paraphrasant Marc Bloch, on pourrait écrire « quil ny aura de véritable histoire de lAlgérie que celle où l'on verra justice rendue à ses profondes variétés régionales. »
L'auteur