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Jijel, d'un repère à un autre

 

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 Abdelkader Mekidèche | Portrait | jijel-archeo

Abdelkader Mekidèche
L'infatiguable inspecteur
de
l'enseignement primaire

Mekidèche Abdelkader Depuis longtemps, je voulais écrire sur le très dévoué à l’enseignement, l’ancien inspecteur des enseignements primaires, le regretté Abdelkader Mekidèche. Aujourd’hui, je rends un hommage appuyé à l’un des premiers normaliens d’Algérie, à celui qui après avoir subi les humiliations et les tortures du système dur et injuste du colonialisme, eut à monter avec d’autres patriotes les premières classes d’études primaires de la région de Jijel. Un travail laborieux écrit avec une rigueur inouïe que l’on ne retrouve plus maintenant. Je ne prétends pas ici écrire une biographie ou histoire sur le personnage qui demanderait plus de temps. Et par delà le livre qu’Abdelkader Mekidèche avait édité et que j’avais lu (Regards su l'Ecole et la Vie), aussi fluide et « simple » qu’était son auteur, nourri de pédagogie, je voulais ajouter une anecdote soutenant le sérieux et l’abnégation de notre regretté inspecteur tout en renforçant le présent hommage. Moi, je l’ai connu furtivement alors que j’étais petit. Toutefois c’était un ami de mon père. Je me souviens un jour, on devait partir moi et un copain de l’école primaire El Hayat (Medersa) en compagnie de notre maître d’école et de notre inspecteur Abdelkader Mekidèche, pour El Milia ou devait se dérouler l’inspection d’un enseignant. Il nous avait rendez-vous au centre ville de Jijel, près de la grande mosquée. De bon matin, d’une journée d’hiver froide, nous sortîmes chacun de chez nous, et nous dirigeâmes vers notre lieu de rencontre et attendions, non sans que des instants notre cœur palpite plus fort, l’arrivée de monsieur Mekidèche. De loin, alors qu’il n’y avait que peu de passants, nous reconnûmes la voiture de notre cher convoyeur, une deux-chevaux de couleur crème ou marron-claire, si je ne m’abuse. En tant que gosses, nous étions enthousiasmés. Cependant la joie n’a été immense que lorsque l’on roulait sur l’asphalte bien entretenu, l’on observait les premiers paysages vierges de l’Algérie naissante. Des montagnes, des oueds, de la verdure, des alignements d’arbres, des ponts, tout était extrême pour exciter nos yeux hagards et notre curiosité de jouvenceaux. A la vue d’un troupeau de vaches tout en conduisant, et oui ce n’est plus comme maintenant ou l’on emploie à tout bout de champ et sans merci les deniers de l’état, il nous posa la question suivante (voyez que même en route on travaillait !) : « Quelle est la différence entre l’animal et l’homme ?». Il voulait aiguiser notre savoir et apprécier la façon dont nous nous conduisons à la réflexion. En bon pédagogue, il l’était. Bien sûr, on en a donné pas mal de réponses aussi sensées qu’éclatantes pour de petits écoliers que nous étions. Le jeu était plaisant jusqu’à El-Milia. Ce dont je me remémore encore durant cette magnifique journée, sitôt finie l’inspection, c’était le déjeuner en plein air dans la cour de l’école d’El-Milia. Une longue file d’attente d’élèves se dirigeant avec correction vers une vieille femme assise et qui tendait à chacun un morceau de fromage blanc et une tranche de pain. Leurs goûts me viennent à la bouche. On mangeait sous les yeux rieurs de nos tuteurs qui se tenaient à côté du directeur de l’école et on avait le sentiment qu’on était à la fois élèves et invités. Des impressions évanouies avec la déliquescence de nos écoles. Bon, c’est ce que je puisse m’en souvenir de ma prime rencontre avec l’homme dont mon père, enseignant dès l’indépendance, me disait beaucoup de bien et qui nous avait accompagnés à El-Milia. Cependant le meilleur hommage que l’on puisse lui ajouter, pour comprendre la vie de l’Homme, c’est d’éditer ici la biographie écrite par Chirine Mekidèche et extraite de son livre « Regards su l'École et la Vie ». K. H.
Slimane posant à côté du buste de John Steinbeck L'instituteur Mekidèche Abdelkader posant avec sa classe
à l'École Jean Jaurès (Mekidèche Mahmoud!). Jijel - 1953

Biographie

Mekidèche Abdelkader est né le 17 décembre 1913, à Jijel d'un père agent d'affaires en produits forestiers et en vins, travaillant pour le compte d'un marseillais installé à Alger, bailleur de fonds.

Il demeura à son service sa vie durant. Le père avait fréquenté l'école française - et non indigène - celle-ci n'ayant pas encore été créée quand il fut scolarisé en 1885. Sa famille s'est toujours enorgueillie de compter dans son histoire une lignée de quatre imams, imam et taleb à la fois. Le dernier d'entre eux, Si-Ali, désespérant de voir se perpétuer la tradition fit jurer au père de l'auteur non encore marié, d'élever son premier fils éventuel dans la tradition et de faire de lui un imam-taleb.

Il était prédestiné à l'enseignement avant de naître. L'auteur fréquenta donc la Zaouïa pendant sa prime enfance, Zaouïa qui n'était qu'une pièce de la maison familiale ouverte sur la façade à cet effet.

En 1920, à l'âge de sept ans, il est encore scolarisé à l'école indigène à deux classes de sa ville.

En 1928, il réussit au certificat d'Etudes à titre indigène et en 1929 au concours des Bourses des cours complémentaires. Il poursuit donc ses études au Cours Complémentaires indigène de Béjaïa.

En 1932, il décroche son Brevet Elémentaire mais ne se présente au Concours d'entrée à l'Ecole normale d'Alger Bouzaréah qu'en 1933 et avec succès. Mouloud Feraoun l'y a devancé d'une année.

1933-1936 : « Trois années d'Ecole Normale, trois années inoubliables incrustées dans la mémoire telle une inscription sur le marbre. » lit-on dans l'ouvrage. Cette école de la justice, de l'égalité et de la fraternité ne pouvait pas ne pas le marquer profondément dans ces idéaux comme elle l'a fait pour tout normalien. « N'est-ce pas que tous mes camarades se ressemblent ? ». Alors se forme t-on soi même ou sommes-nous modelés par d’autres ? s'interroge l'auteur.

1936 : Réussite au Brevet supérieur et nomination dans une école à classe unique sur la montagne de M'Chatt, à 70 km de Jijel.

Décembre 1937- Septembre 1940 : il est incorporé comme soldat de deuxième classe au onzième régiment de Tirailleurs algériens et fait la guerre de 1939 en Tunisie, face aux soldats italiens, en première ligne.

Septembre 1940 : il est démobilisé et nommé à l'école d'El-Gabel.

Puis il occupera successivement toujours à sa demande, le poste d'instituteur indigène à l'Ecole Indigène d'Aïn Beida (1942-1946), du Khroubs (1946-1951), de Duquesne, actuellement Kaous, à 10km de sa ville natale (1951-déc. 1952), enfin à Jijel où il exerce dans la même école où il avait été élève dans les années 1928 et 1929.

Mars 1955 : il entre en contact avec le maquis et deviendra résistant actif pour « suivre la voie que le peuple a choisie » n'abandonnant pourtant jamais tout à fait son rêve de voir son pays se libérer et s'émanciper par l'Ecole et la formation des hommes.

17 janvier 1957 : Arrêté et accusé à tort d'être le chef de la Révolution, il est torturé à mort, condamné à quatre années de prison ramenées après appel à deux années passées à la prison de Bejaia.

Mars 1959 : il est libéré, déchu de ses droits civiques et interdit d'exercer toute activité d'enseignement.

Il ne sera réintégré à l'Education Nationale qu'à l'indépendance, et exercera jusqu'à sa retraite, en 1975, les fonctions d'inspecteur des enseignements élémentaire et moyen de la circonscription de Jijel

D'après Chirine Mekidèche
Extrait du livre Regards sur l'École et la Vie


 

jijel-archeo © février 2013


 

 
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