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Amménagement du Territoire
Des pays & des Cités

Aménagement du territoire

NOUVEAU DÉCOUPAGE DU TERRITOIRE.
Des wilayas pour rapprocher l’administration du citoyen

in L'expression du lundi 07 Juillet 2008

Annoncée déjà par le ministre de l’Intérieur, M.Zerhouni, la création de nouvelles circonscriptions administratives a été confirmée le 5 juillet par le Président Bouteflika.

Le «nouveau» découpage administratif qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, va enfin entrer dans les faits des réalités par l’annonce qui en a été faite, le 5 Juillet, par le Président Bouteflika, en marge des cérémonies de la célébration du 46e anniversaire de l’Indépendance. En fait, l’annonce de ce découpage - qui entre, rappelle-t-on, dans le cadre de la réforme de l’Etat en rapport avec les recommandations de la commission Missoum Sbih - a été faite dès la fin de l’année 2006 par le ministre de l’Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, lequel a indiqué - en marge du discours prononcé devant les cadres de la nation le 26 décembre 2006 par le Président Bouteflika - devant les journalistes que le nouveau découpage «peut s’effectuer avant les (prochaines) élections législatives (qui eurent lieu le 17 mai 2007)». Depuis, il y a eu un «silence radio» sur une question qui préoccupait experts, administrateurs, comme le simple citoyen. Un découpage administratif, c’est avant tout une meilleure maîtrise de la gestion du territoire qui permet une planification du développement plus en phase avec les moyens existants, en sus de rapprocher le citoyen de l’administration, notamment dans les vastes régions du Sud. Aujourd’hui, on ne parle plus de créer de nouvelles wilayas, mais des «wilayas déléguées» avec une période de probation de deux ans au moins. S’il y a découpage administratif avec la création de nouvelles wilayas déléguées il y aura nécessairement son corollaire: la création de nouvelles communes. Le nombre de communes - actuellement 1541 - pour un territoire de la dimension de l’Algérie reste dérisoire. Aussi, gérer une étendue territoriale donnée n’est guère une sinécure. Outre la difficulté à trouver un équilibre qui permette de tirer un maximum des possibilités qu’offre le territoire, il y a aussi des considérations, pas toujours objectives, induites par la géologie et la géographie physique du territoire, mais aussi, souvent, par des impondérables politiques, sociaux, voire tribaux, qui entrent en ligne de compte et constituent parfois des obstacles plus insurmontables encore que ne le sont les difficultés naturelles de terrain. De fait, beaucoup de «villages» élevés en 1974 et en 1984 à la dignité de «chef-lieux de wilayas» ne doivent leur promotion qu’à des raisons tribales et claniques. Aujourd’hui, le pouvoir découvre qu’il ne suffit pas de prendre le pays et de le diviser comme on le ferait d’une galette. Le découpage territorial est une science permettant d’élaborer des stratégies de contrôle d’un territoire et, subséquemment, l’un des moyens de la mainmise du pouvoir sur les populations. L’Algérie, depuis les temps numides, a connu une multitude de découpages de son territoire.

La difficulté de trouver le «juste milieu»

Des frises romaines aux wilayas de l’Indépendance, le pays a été à plusieurs reprises divisé selon les impératifs militaires, sécuritaires et économiques de l’occupant hier, de préoccupations pas toujours claires des pouvoirs d’aujourd’hui. Toutefois, c’est la période ottomane qui semble avoir fixé, pour la durée, le découpage régional et national de l’Algérie. Ainsi, sous les Turcs, le pays à été doté de trois beylicks dont les chefs-lieux étaient Constantine pour l’Est, Médéa au Centre et Mascara pour l’Ouest (le siège de cette région sera déplacé à Oran après la libération de cette ville de l’occupation espagnole). Alger, capitale du pays, abritait le siège de la Régence. Cette structure administrative ottomane sera reconduite par la France coloniale, les beylicks se transformant en 1844 en «provinces françaises d’Afrique du Nord» dans leurs limites de la période ottomane avec la fusion de la Régence d’Alger et du beylicat du Titteri (Médéa) qui deviennent la «province française d’Alger». C’est en 1875, quarante-cinq ans après l’occupation, que les provinces deviennent «départements français d’Afrique du Nord» (Algérie), et en 1902, les territoires du Sud mutés en circonscriptions administratives du Sud algérien avec un statut (militaire) particulier. Il faut attendre 1955 pour voir la fondation d’un quatrième département, ayant pour chef-lieu Bône (Annaba), suivie l’année d’après par la création de celui des Aurès (Batna), ces deux nouvelles circonscriptions administratives ont été prises sur le département de Constantine et obéissaient essentiellement à des impératifs militaires et politiques d’un meilleur contrôle de la population induit par la guerre de Libération nationale. Un nouveau découpage a lieu en 1957, portant le nombre des département à douze (Alger, Médéa, Orléanville (Chlef) et Tizi Ouzou au Centre, Constantine, Bône (Annaba), Batna, Sétif à l’Est et Oran, Tlemcen, Tiaret et Mostaganem à l’Ouest et les deux territoires du sud éléves en départements des Oasis (Ouargla) et de la Saoura (Colomb-Béchar) auxquels seront ajoutés en 1958 les départements de Saïda, Aumale (Sour El Ghozlane) et Bougie (Béjaïa). Ces deux derniers qui auront une existence éphémère seront supprimés en 1959. Deux découpages nationaux suivront en 1974 et en 1984 avec une nouvelle organisation territoriale du pays portant le nombre des wilayas (départements) respectivement à 31 puis à 48. Pour être complet, relevons qu’il y a eu un découpage en 1991 qui n’eut pas de suite, mais a vu la création de nouvelles daïras dont le nombre dépassait les 500 pour seulement 1541 communes.

Dès lors, entre le début de la guerre de Libération, le 1er Novembre 1954 et janvier 1984, -c’est-à-dire en trente ans- l’Algérie dont la configuration administrative n’a pratiquement pas bougé durant près d’un siècle, va connaître six découpages successifs, dont quatre commis par le pouvoir colonial français entre 1955 et 1961. Si, sans surprise, la France a opéré des découpages dans le but évident de contrôler la population musulmane et de la couper des moudjahidine et priver le FLN-ALN du soutien et de l’aide des Algériens, il était, à tout le moins, attendu des gouvernants algériens d’avoir une vision plus pragmatique et une véritable stratégie de l’organisation territoriale qui devaient, en priorité, contribuer à l’élimination des disparités et favoriser le développement et l’émancipation de la population et du pays. Il n’en a pas été ainsi, puisque les deux découpages territoriaux (trois en fait si on y inclut les nouvelles daïras créées en 1991) réalisés depuis l’Indépendance ont obéi à d’autres paramètres et considérations et ne semblent pas avoir pris en compte l’aspect spécifique du développement (régions agricoles, Hauts Plateaux, piémont saharien...) d’une part, de la protection et de la sécurisation du territoire national, d’autre part. L’Algérie, un très vaste pays de 2.381.741km², limitrophe de sept pays avec des frontières de plusieurs milliers de kilomètres, nécessitait la mise en oeuvre de conditions propices à un développement harmonieux. Il fallait trouver le juste milieu qui favorise un développement équilibré de toutes les régions du pays.

En fait, il est étonnant que les gouvernants, dans un souci de défense de nos frontières et de protection de l’intégrité territoriale, n’aient pas commencé par promouvoir des villes frontalières (telles Maghnia, In Guezzam, Djanet, Touggourt, Bir El Ater, notamment), au rang de wilayas dans le but diplomatique et tactique de souligner l’intérêt de l’Etat pour des régions, hier, convoitées par des voisins insatiables. Rien de tel n’a été fait, il fallut attendre 1974 avec la promotion de Tébessa, et le deuxième découpage national de 1984 pour voir Tindouf, Aïn Sefra, (cette dernière remplacée au dernier moment par Naâma -un hameau à l’époque), Aïn Témouchent et Souk Ahras, villes frontalières érigées en wilaya. C’est dire donc l’importance qui est attachée au découpage territorial qui ne saurait être un passe-droit pour satisfaire la libido de caciques en mal de leadership, comme cela a été visiblement le cas dans les découpages surréalistes et incohérents de 1974 et 1984, alors que le découpage réalisé en 1991, sous le gouvernement Hamrouche, n’a jamais eu d’application sur le terrain. De fait, il y a eu la promotion de petites villes ou villages, (voir le cas de Naâma, moins de 1000 habitants quand elle a été élevée au statut de wilaya, lorsque Bou Saâda, un exemple parmi d’autres, ville de plus de 100.000 habitants attend toujours d’y accéder) au statut de chef-lieu de wilaya lorsque le découpage administratif est devenu un argument électoral et un nouveau principe du clientélisme politique. En effet, le découpage territorial dans l’Algérie indépendante n’a jamais obéi à une économie de gestion et de cohérence géographique, d’efficacité administrative et de développement social et économique, mais a été le plus souvent induit par les rapports de force à l’intérieur des clans qui dominent le pouvoir politique dans le pays. Ainsi, plusieurs villages dont le seul mérite est d’avoir donné naissance à tel ou tel homme fort du moment, se sont vus érigés en wilaya, contraignant l’État à dépenser des sommes astronomiques pour rendre ces villages viables et opérationnels en tant que chef- lieu de wilaya. Des fiefs ont été ainsi constitués où la stratégie de développement à long terme était absente pour ne point dire ignorée. Dès lors, enjeu politique, le découpage territorial revient cycliquement à la «Une» des journaux qui, à la veille de chaque grand rendez-vous électoral, avisent comme imminente l’annonce d’un découpage administratif et la création de nouvelles wilayas. Plusieurs villes, candidates de longue date à une telle promotion, attendent toujours la concrétisation de ce qui est devenu pour leurs populations un rêve et un abcès de fixation, à telle enseigne qu’à chaque tournée présidentielle ou visite d’un ministre «important», on a coutume d’entendre parmi les slogans celui devenu rituel de «‘’X’’ ville, wilaya».

Une administration au service du citoyen

Pour dire combien ces affaires de découpage sont devenues avec le temps un enjeu autant politique et électoral que populaire. En 1991, le découpage qui a été réalisé, pour rester dans la norme d’un découpage tous les dix ans, n’a jamais été rendu public, et l’avènement du terrorisme islamique n’en est pas la seule cause, d’autant plus que les daïras accompagnant ces nouvelles wilayas sont, elles, opérationnelles depuis cette époque. Cette inconséquence est illustrée par le nombre astronomique de daïras (plus de 500 pour 48 wilayas) dont le nombre dans certaines wilayas - Sétif, Batna, Béjaïa, Tizi-Ouzou, Médéa et Tlemcen - dépasse largement les 20 circonscriptions administratives pour chacune d’entre elles. Cette pléthore de daïras n’est pas en revanche compensée par un souci d’équilibre géographique et démographique, lorsque l’on observe que les découpages ne répondent à aucun critère précis et ne semblent prendre en compte ni la démographie, ni les besoins des populations, ni les capacités des entités administratives à gérer les territoires placés sous leur responsabilité. Les incohérences sont de fait légion dans les découpages de 1974 et de 1984 qui font que la taille des wilayas et des daïras n’est pas fonction de la densité ou de l’éparpillement de la population, mais obéit à des critères que nous seront curieux de connaître. Ainsi, nous avons des chefs-lieux de communes de moins de 100 habitants qui chapeautent des localités de plus de 5 000 habitants, quand des petites villes de 10.000 habitants ou plus, n’ont pas le statut de commune (voir les statistiques de l’ONS sur les derniers recensements). Par ailleurs, toujours dans cet ordre d’idées, il existe des daïras gigantesques (Constantine qui a une population de plus de 600.000 habitants ne dispose paradoxalement que d’une seule circonscription administrative -daïra-) Oran, la première commune d’Algérie, par sa population, - ne pas confondre ville et commune- est en revanche partagée en trois daïras, alors que la capitale comprend treize circonscriptions administratives ou «wilayas déléguées». Mais à l’instar de ces circonscriptions, il faut compter aussi celles de Annaba, Sétif, Batna -les trois villes dépassant chacune les 300.000 habitants. - A côté de ces grandes circonscriptions existent de minuscules daïras de moins de 10.000 habitants, et il ne s’agit nullement de villes ou villages du Sud, mais bien de localités du nord du pays. Il en résulte que des centaines de villages, hameaux ou douars du pays profond, qui n’ont pas le statut de communes, ne disposent pas du minimum des services qu’ils sont en droit d’attendre de l’État - la disponibilité d’une annexe communale, d’un poste de police ou de gendarmerie, des postes et télécommunications, des services des eaux, du gaz et de l’électricité, singulièrement.

Il faut avoir sillonné cette Algérie rurale pour se rendre compte du dénuement de ces populations oubliées par ceux-là mêmes censés lutter contre les disparités et le déséquilibre régional en usant au mieux des possibilités de ces régions et des potentialités de l’État. Et le découpage reste l’un des principes d’équilibre et de développement régional, fort mal mis à contribution par l’administration ayant en charge d’apporter le bien-être aux populations rurales. De fait, sauf dans les démocraties modernes, le découpage territorial demeure encore un enjeu stratégique (politique, militaire, économique), souvent clanique, dont les gouvernants usent et abusent, alors qu’il aurait dû être un moyen périodique de rectifier les erreurs apparues afin de remédier aux déséquilibres et manques que le temps et l’expérience auront contribué à dévoiler. Il semble donc, que le nouveau découpage, annoncé par le Président Bouteflika, entre de plain-pied avec les recommandations et la mise en oeuvre du projet de réformes de l’Etat de la commission Missoum Sbih, qui va faire une restructuration administrative en prenant en compte les expériences de 74 et de 84 pour arriver à une meilleure prise en charge des besoins des citoyens.

Dans son discours du 5 Juillet devant les cadres de l’Armée et de la Nation, le Président Bouteflika a affirmé: «Cette nouvelle organisation administrative tend à impulser le développement, à trouver de meilleures réponses aux problèmes du citoyen, à atténuer la tension dans certaines wilayas à forte concentration de populations et à consolider la présence de l’État dans les régions frontalières qui vivent des problèmes bien particuliers. Toutes ces mesures veilleront à assurer un découpage équilibré des communes au niveau des wilayas et à réduire les distances entre les communes pour une meilleure gestion de proximité, sans omettre les spécificités des régions frontalières, celles du Sud non frontalières, des Hauts Plateaux et des wilayas du Nord.» En effet, gouverner c’est gérer et prévoir. C’est cela la bonne gouvernance. Aussi, il est aberrant de constater qu’en 2009 l’Algérie, avec 35 millions d’habitants, ne dispose que de 1541communes (selon les statistiques de l’ONS, il y a, selon les derniers recensements, près de 13.000 localités en Algérie).

De fait, l’augmentation du nombre des communes et des wilayas est une nécessité économique et sociale qui, outre de réduire le chômage des nombreux diplômés, rapprochera effectivement l’administration de l’administré, principe qui s’est, jusqu’ici, réduit à un slogan. Or, du travail, beaucoup de travail, est encore à faire pour assurer l’équilibre territorial du pays.

N. Krim

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Proposé par Karim Hadji