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Digest de la presse algérienne sur les questions de l'archéologie, de l'histoire, de l'environnement et de l'écologie...
L'histoire connaît, depuis la conquête de l'antique Pomaria, devenue Agadir puis Tlemcen si justement estimée, des historiens qui n'ont pas peu contribué à nous initier au passé glorieux de cette capitale du Maghreb central.
Les chercheurs et les savants qui dépouillèrent avec soin les manuscrits ont véritablement tracé la voie à suivre : ils ont attiré l'attention sur cette honorable ville qui aurait beaucoup compté jadis, si l'on en croit certains auteurs. Cette cité qui, au moyen-âge, vit fleurir dans ses murs une remarquable civilisation et une culture.
Le livre de Yahia Ibn Khaldoun, après avoir donné la description de Tlemcen et de sa région, reproduit les pièces et vers de différents poètes louant les charmes de cette ancienne capitale tant de fois chantée. Elle ressemble à un souverain couronné, et les grands arbres qui l'entourent sont comme les gents de sa suite et les gardes du corps de ce monarque. El-Eubbad représente sa main dont la forme généreuse est le tombeau du bienfaisant saint Sidi Boumediène. Chaque année, des visiteurs et des milliers de fidèles viennent s'y recueillir.
La ville a grandi sous l'égide bienfaisante de ce puissant «Moul El-Bled», de ce patron vénéré du pays, de ce roi au nom duquel, depuis des siècles, le pauvre demande l'aumône, le malade la guérison, le poète l'inspiration et l'étudiant la science. Dans cette ville bénie, les saints et les savants se sont multipliés et elle s'est constellée, abritant les restes de quelques «amis d'Allah» favorisés par les grâce divines. Il existe un dictionnaire pour Tlemcen des saints et des savants. Cet ouvrage, consulté partout par ceux qui se sont occupés de l'histoire de Tlemcen, a pour titre «El-Boustane», dont l'auteur est Mohamed Ben Mohamed Ben Ahmed, surnommé Ibn Meriem (né à Tlemcen au XVIe siècle).
La médina et ses abords sont truffés de sépultures et tombeaux de savants, saints, chercheurs, hommes de science. Certains bien connus sont enterrés dans des mausolées : Sidi Boumediène, Sidi Braham, Ibn Merzouk, Sidi Lahcène, Aïn Ouazouta, Sidi Senouci...
En 1842-1875, l'assaut de la colonisation sur la ville a éventré, dévasté et détruit des quartiers entiers. Certains ont été rasés par l'urbanisation et la structuration des voies. De nombreux édifices culturels ont disparu : mosquées, écoles coraniques, ateliers artisanaux, commerces et autres équipements. Ce fut la destruction à outrance sans se soucier des dégâts et des préjudices occasionnés à l'histoire et à la population. Ainsi, de nombreux repères ont disparu, entre autres la Médersa Ettachfiniya. Selon des manuscrits d'historiens, l'équipe chargée de la démolition, qui a duré de nombreuses années, était désemparée et désorganisée pour détruire la belle architecture de cet édifice qui a abrité, instruit, formé des savants et des hommes de science. C'était un centre universitaire avec El-Yacoubia, à El-Eubbad. Même le tombeau du roi Abou Tachfine, qui se trouvait dans la Médersa, fut transféré vers la grande mosquée Ibn Marzouk. La procédure et la méthode employée par le colonisateur pour la démolition étaient dévastatrices et sans égard ni considération envers les habitants de Tlemcen. Elle a subi le sacrilège de la colonisation.
Ce fut l'exode de nombreuses familles. Tlemcen a été dépeuplée pendant de nombreuses décennies. Le départ précipité et le vide créé a permis ainsi de loger les familles des nouveaux colons dans les nouveaux quartiers. La construction d'un hôtel de ville à la place de la Tachfiniya, la création d'un îlot à l'emplacement de la place des Victoires, d'un groupe scolaire qui a supprimé Dar El-Beylek et autres bâtisses.
Cette occidentalisation de la ville a perturbé la vie et les moeurs des familles et des citoyens. La reconstitution de repères et de documents repris par nos historiens n'a pas été facile. Néanmoins, nos universitaires ont pu exploiter positivement des données de manuscrits d'Andalousie (Cordoue, Grenade, etc.).
L'histoire de Tlemcen est fascinante et attrayante. Envoûtante, elle le demeurera toujours. Certains travaux entrepris dans la ville depuis 1925 ont fait apparaître que plusieurs terrains sont constitués de remblais provenant des démolitions de 1842 à 1875. ce remblais est constitué de gravats divers, débris de stèles, épitaphes, débris de fresques d'ornement, de zellidj, buses en poterie, fragments de stuc décoré, boiserie, etc. Une époque disparue et ensevelie dans les décombres, répartis sur divers îlots (Tafrata, Fekharine, Metchekana, l'ex-inspection académique (porte Kechout), place Cheikh Ibrahimi, Hammam El-Ghoula, R'bet, Sidi Boudjemaa (qui fut déplacé à cause d'une traversée de voie).
On a constaté qu'une bonne partie des remparts de la colonisation a été construite sur les anciens en pisé, datant de l'époque des Zianides. La ville était protégée par quatre remparts espacés par des zones tampons. La démolition de l'ex-caserne Gourmala (maison de la culture actuelle) a laissé apparaître dans le sous-sol une habitation ancienne sous une autre (superposées). D'autre vestiges ensevelis existent.
La ville doit être équipée d'un vrai service d'archéologie disposant d'un matériel conséquent et d'un atelier-laboratoire de restauration, le tout étoffé d'un personnel spécialisé sachant préserver le patrimoine contre les dévastateurs et les promoteurs*-constructeurs, en faisant respecter et protéger les zones de protection à caractère pittoresque, historique et archéologique.
On a appris qu'un bureau d'études algéro-allemand a été mandé pour l'étude de l'aménagement de l'ancienne mairie. Il est utile de signaler que la dite mairie fut construite en lieu et place de la Médersa Tachfiniya et ses annexes après démolition. Sous l'aile du bâtiment côté ouest, dans le sous-sol, existent des galeries ou cavernes de l'ancien temps creusées à la main. Leur niveau de sol est plus bas que les locaux préservés et ensevelis lors de la démolition. Elles ont dû servir de cache ou d'abri dans le passé.
Dans l'îlot du quartier Marmol contigu à la Tachfiniya, on a découvert une dallette en pierre jurassique (tafza) gravée en hébreu à l'emplacement d'une synagogue démolie en même temps que la Médersa. Après traduction par un ancien Rabbin à Oran du texte gravé sur la dallette, il apparut : «La communauté hébraïque de Tlemcen remercie la haute autorité (Roi, Prince, Khalifa ou Hakem) pour l'aide et la facilité apportées au corps enseignant hébreu exerçant dans la ville. Qu'il soit utile pour la culture et le savoir de la population à la grâce de Dieu» (Traduction sous toute réserve). La dallette a été déposée au musée de Tlemcen (introuvable).
Le sol de la ville dissimule beaucoup d'énigmes, aussi bien intra-muros qu'extra-muros. Les choses et les gens changent et évoluent d'année en année. On a l'impression que le charme de Tlemcen s'évapore. Il est du devoir de chaque citoyen de protéger notre patrimoine et de le préserver.
Ne soyons pas barbares ou vandales prêts à démolir, effacer, casser ce que l'histoire nous a enseigné et appris sur Tlemcen et sa région. En 2011, elle sera capitale islamique. Savants, chercheurs, historiens, conférenciers et invités venant des quatre coins de la planète vont séjourner, visiter, parcourir et arpenter la région. Que Tlemcen soit digne d'accueillir les nombreuses délégations, Inchaallah.
Amine Fethi Benabadji