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Castellum Respublica à Sigus
Archéologie

Vestiges de Sigus à Oum El-Bouaghi

Quand Castellum Respublica se meurt

in Le Jeune Indépendant du samedi 17 mai 2008

Les autorités locales de la daïra de Sigus, dans la wilaya d’Oum El-Bouaghi, ont découvert, le 2 mai dernier, des restes d’ossements, à proximité d’un chantier inachevé, au lieu dit «Maqam Sigus». Des archéologues de la direction de la culture ont été dépêchés sur les lieux et les ossements ont été soumis à expertise.

Rappelons que la première découverte d’ossements remonte à 1990, date du début des travaux de décapage entamés par des particuliers ayant bénéficié de terrains destinés à la construction. L’ironie du sort a fait que ces riverains ont arrêté les travaux en pensant qu’il s’agissait d’une fosse commune datant de la période coloniale, ce qui a suscité une vive polémique.

Il a fallu un travail fouillé de M. Soltan Sabri, cadre à la direction de la culture d’Oum El-Bouaghi, pour établir que ce site abrite très probablement une cité romaine, ce qui avait conduit à l’annulation des attributions des lots de terrain en question, suite à une décision que le wali de l’époque, M. Sekrane, avait eu le mérite de prendre. Il a ainsi été effectué un état des lieux des sites historiques de la wilaya d’Oum El-Bouaghi, notamment sur le site Sigus, sur 2, 4 hectares. Une commission a été dépêchée par l’Agence nationale de l’archéologie et du patrimoine historique (ANAPH), dont le siège est à Dar Aziza, à Alger, pour établir un état définitif de ce site.

Mais, nous dit-on, rien n’a été entrepris depuis, pour la suite de la démarche à entreprendre. En attendant, le site de Sigus continue de subir des dégradations. Un site historique méconnu En 2002, il avait été pris en charge par le ministère de la Culture et un budget de 5 millions de dinars avait été mobilisé pour la revalorisation de ladite «Maqam Sigus». Il s’agissait d’ériger une clôture pour mettre à l’abri les pierres de taille et les gravures rupestres déterrées. L’entreprise engagée dans cette opération, l’ETP Assas Hammana, avait interrompu les travaux en janvier 2003, après consommation de la totalité du budget alloué par la tutelle. Elle a poursuivi en justice la direction de la culture, réclamant un financement supplémentaire pour la réalisation de travaux complémentaires. Selon M. Bougandoura, directeur de la culture, le litige a été dûment réglé en faveur de son administration, sachant que l’entrepreneur, a-t-il ajouté, a approuvé le service fait. Ainsi et d’après des spécialistes en la matière, la clôture réalisée ne répond pas aux normes retenues pour l’édification d’un siège de site archéologique, d’autant que ce dernier reste invisible de l’extérieur de ce mur d’enceinte.

La direction de la culture, en inscrivant une autre opération, prévoit de faire du site «un jardin épigraphique», avec des allées piétonnes et un petit musée pour regrouper les pièces et objets de valeur découverts lors des fouilles. Mais cette démarche de réhabilitation ne concerne que la nécropole située au pied de la cité romaine. Il n’est pas pris en charge la totalité du site, sous le mamelon «El-Azeri», à l’est du village. Selon les écrits de Stéphane Gsell, une notoriété de la société archéologique de Constantine sous la colonisation, qui a fait référence à un évêque cité dans l’Atlas archéologique de l’Algérie (AAA), Sigus est «Castellum Respublica», un municipe romain sous le Bas-Empire (235-476), qui contiendrait, entre autres, une assemblée, une basilique datant de la civilisation romaine. On trouve également sur la carte illustrant le réseau routier de l’Afrique romaine, au musée de Cirta, à Constantine, les repères d’un point de liaison important liant l’antique Cirta aux différentes cités romaines de l’Est, en l’occurrence Gadiovfala (Ksar Sbaïhi), qui passe par Tigisi (Aïn El-Bordj), Tenebreste et Theveste (Tébessa), sur l’itinéraire d’Antonin passant par Macomades (Oum El-Bouaghi) et Marcemeni (Aïn El-Beïda), dont une route prolongeait l’itinéraire sur Bagai, en allant vers Mascula (Khenchela). Ces vestiges, laissés à l’abandon, continuent de se dégrader, tant par le fait de la nature que par l’intrusion inopportune de l’élément humain. Ainsi, il est à rappeler que ce site, jadis traversé par le chemin de fer de l’époque coloniale et réhabilité dans le cadre de la campagne de reboisement des terres brûlées, après l’indépendance, entre 1962 et 1967, a vu l’utilisation d’un bon nombre de ses pierres taillées pour l’édification d’un grand mur de soutènement par l’APC locale.

Massacre à la nécropole mégalithique

Sigus dispose d’une vaste nécropole mégalithique qui remonte à l’ère protohistorique, phase intermédiaire entre la préhistoire et l’histoire, marquée par l’avènement des toutes premières manifestations architecturales, donc du passage de l’état nomade à la sédentarisation. Elle s’étend de la plaine de Fesguïa, au sud-ouest, à Redjie Safia, au sud-est du village, dont le versant rocheux de l’oued «El-Kleb», au sud du village, a été gravement endommagé pendant la guerre d’Algérie. Une cité de regroupement y avait été établie par l’armée française (voir Marc Côte/Paysage et patrimoine/Guide d’Algérie/ Média-plus Algérie).

Ce site, classé patrimoine national en 1968, contient des sépultures rares, voire uniques au monde (dolmens, menhirs, cromlechs), dont un dolmen aux trois menhirs. Ces vestiges de monuments antérieurs à l’occupation romaine et dénommés tantôt celtiques, tantôt mégalithiques par les explorateurs, sont au nombre de 1 200.
Nous pouvons lire, dans la lettre de J. Chabassière à son président de la société archéologique de Constantine SAC (Recueil des mémoires de la SAC de 1886), qui inclut les résultats de ses fouilles sur les ruines et dolmens du Djebel El-Fortas et de ses contreforts, notamment à Ras El-Aïn et à Sigus, ceci : «Les sépultures sont, ici, en nombre considérable ; on peut, sans crainte d’être démenti, fixer à plus de 1 200 dolmens, grands ou petits, le nombre des monuments parfaitement apparents sur le sol. Chacun de ces tombeaux renfermait, en moyenne, quatre cadavres ; il s’agit donc d’une population de près de 5 000 individus.» Aujourd’hui, il reste, selon des spécialistes évoquant un véritable «massacre», à peu près 50 ou 60 monuments éligibles à la réhabilitation. J. Chabassière a fait aussi allusion à des sépultures à incinération dans lesquelles des os d’oiseaux et des dents d’animaux figurent souvent, au fond de petits pots de 7 à 12 cm de diamètre et sur presque autant de hauteur, dont le «Plat à bord creux», déposé au musée de Constantine avec d’autres objets provenant des fouilles de Sigus, qui est, selon lui, au moins aussi intéressant que celui trouvé dans la grotte de «Palmella», en Espagne.

Si les archéologues n’ont pas abouti à un consensus quant à l’origine de ces vestiges et à leur appartenance, soit aux gens du Nord, soit aux autochtones, leur réhabilitation offrira certainement à la région un produit touristique de qualité.

Par ailleurs, il convient de noter qu’à Sila, à 8 km au sud-ouest de Sigus, se trouvent des vestiges de la cité romaine de Sila, un fort byzantin, 4 basiliques chrétiennes. L’une d’elles est située à 1 000 m à l’ouest du fort et possède trois nefs. La nef centrale est prolongée à l’est par une abside de forme arrondie, au sud par une sacristie et au nord par un baptistère. L’édifice mesure au total 21, 30 m de longueur sur 14, 30 m de largeur (St. Gsell : AAA. F 17. N°333).

Lyas Hallas

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Proposé par Karim Hadji