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Tiklat
Archéologie

Mon beau pays

Tiklat

in Info Soir du  01/03/04 septembre 2006

Tiklat est une localité située au pied du mont Fenaïa, sur la rive gauche de l'oued Sahel, dans la vallée de la Soummam. Cette localité correspond à l'antique Tubusuptus (appelée également Tubuscum Oppidum), que les Anciens situaient à huit lieues de Saldae (actuelle Béjaïa).

Part. I

A juger par l'importance des ruines qui subsistent sur le site, la ville a dû être importante ; elle semble aussi avoir joué un rôle défensif. Tubusuptus est citée principalement à propos de la guerre de Tacfarinas, en 25 de l'ère chrétienne. Le prince berbère s'était révolté contre l'occupant romain et avait entraîné dans son sillage les populations maures et numides. Il avait occupé la région de la Nasava (Soummam) et assiégé Tubusuptus, avant que le proconsul Dollabela, à la tête de grands renforts, le force à lever le camp. Trois siècles après, c'est au tour de Firmus, un autre prince maure, de lever l'étendard de la révolte et à prendre Tubusuptus pour place forte. De là, il dirigera une puissante insurrection qui fera trembler l'occupant. L'empereur enverra en Afrique une forte armée pour mater la rébellion ; livré par des proches, Firmus préférera se donner la mort plutôt que de tomber entre les mains de l'ennemi.

Part. II

Après la révolte de Tacfarinas, Tubusuptus n'est plus citée. Aucun auteur n'y fera allusion durant les époques vandale et byzantine. On ignore à quelle époque les musulmans l'ont atteinte, mais sans doute la ville romaine était déjà ruinée.

Le site fait reparler de lui au XIVe siècle, époque à laquelle l'émir Abd El-Wadid, de Tlemcen, Abû Tachfin, qui tentait d'occuper Béjaïa depuis plusieurs années, va construire, pour y loger son armée, une ville fortifiée à laquelle on donne le nom de Timzizdekt. Selon les chroniqueurs, la ville est construite au bout de quarante jours. Située sur la route de Béjaïa, elle va exercer un contrôle sur les communications en direction de cette ville et la soumettre à un sorte de blocus. De l'Antiquité à nos jours, la cité a changé de nom trois fois. Le nom antique, Tubusuptus, a une forme incontestablement berbère, avec un «t» initial probablement indice du féminin ; le «p» est la transcription romaine habituelle du «f» berbère dans les noms autochtones africains (voir Tipaza tifesh, Telepté tileft, etc.) ; Tubusuptus pourrait donc provenir de tubusuftu où l'on reconnaît aisément le mot asif/asuf (rivière, fleuve) et le diminutif tassift/tasuft (affluent), sans doute par référence à la Soummam.

Part. III

Le nom médiéval de Tiklat, Timzizdegt, dérive d'une racine ZDG, encore vivante, qui a fourni plusieurs mots en rapport avec l'idée de propreté et de pureté. Le mot duquel se reproche le nom de la ville d'Abû Tashfine est fourni par le touareg nigérien, amezzezdeg, féminin tamezezdegt (purificateur). Le nom moderne, Tiklat, pourrait provenir, lui, de la racine KWL, qui comporte l'idée générale de noirceur et qui a fourni, dans la plupart des dialectes, le nom de l'esclave, akli, taklit, ainsi que d'autres mots référant également à la couleur noire ou sombre. Ainsi en touareg ikwal «être vert foncé, par extension : être foncé, être noir, être verdoyant (végétal)», en chleuh klu «décorer une planchette» iklan, plssg «fait de décorer, dessins, enluminures», k°li «enduire de noir de fumée», en kabyle, dans les dialectes du Maroc central takulla, akulet, takuli «masque de grossesse», etc. La couleur foncée ferait référence ici à la couleur des riches terres alluvionnaires qui entourent l'oued Soummam ou alors à la végétation luxuriante de la région. Tiklat pourrait aussi provenir d'un autre mot, signifiant «tribus, familles, agglomérations», et attesté en rifain (parler des Iznacen) : aklal «famille» et, en touareg, kel «gens de», terme entrant dans la dénomination des tribus.

M. A. Haddadou

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Proposé par Karim Hadji