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Digest de la presse algérienne sur les questions de l'archéologie, de l'histoire, de l'environnement et de l'écologie...
Les Djedars, dans la wilaya de Tiaret, sont des mausolées datant de 490 avant J-C. Visiblement, aucune action n’est entreprise pour les restaurer ou les conserver.
Ils ont voulu immortaliser leurs rois. Les tombeaux sont toujours là, haut perchés sur des massifs rocailleux où graminées et chênes verts se disputent un monceau de terre. Il y a 400 ans avant J-C, les berbères ont peut-être dû batailler pour dégager un espace et construire le tombeau de leur roi. La terre était-elle aussi rêche, le soleil aussi cuisant et le vent aussi fort ? Nul ne le sait. Aujourd’hui les tombeaux sont vides, mais les pierres veulent témoigner…
Un homme peut faire parler les pierres. Il se tient, là, adossé à un arbre. Grand, sa kechabia lui procure une stature imposante et distinguée. Un turban, posé avec soin sur sa tête, rehausse la pose mais semble n’avoir pu dissuader les rayons de soleil de leurs coups ravageurs. Sa peau est tannée comme du cuir et les plis se creusent à la jonction des joues comme une lettre que l’on rabat. De couleur marron–ocre, son hâle à la couleur des céréales brunies par le soleil. Son regard est caché par des sourcils broussailleux, mais semble opaque comme par un début de voile (cataracte). Il se tient droit et la canne posée à ses côtés a juste l’air de lui tenir compagnie. Quel âge a-t-il ? Difficile de dire. Le vent, comme le temps, semble ne pas avoir de prise sur lui. Il est là, à proximité du mausolée. L’homme, comme la structure, ont l’air de partager quelque chose. Peut-être le temps qui passe. Une promesse ? Celle de détenir la clé de tous les mystères et d’être le dépositaire d’un quelconque trésor. En tout cas, il se proposera de faire le guide. Ou peut-être le messager ? L’homme, présent sur les lieux, n’aura de cesse de nous conter l’histoire du mausolée et des autres structures historiques avoisinantes. Il parlera de la région et des étrangers qui furent sur les lieux le temps d’un séjour touristique ou le temps d’une vie. A-t-il de la famille ? Est-il agriculteur dans la région ? Possède-t-il une ferme ? Cet homme-là n’en dira rien. Ses seuls récits concernent le mausolée, comme si sa vie n’était liée que par cette architecture berbère. Huit tombeaux étaient disposés à l’intérieur du mausolée. En réalité, il existe dans la région quelque quatre mausolées éloignés de quelques six kilomètres, mais parfaitement visibles les uns par rapport aux autres. Tous perchés sur un mamelon, certains ont été le sanctuaire de quelque seize tombeaux.
Le vieil homme explique qu’il existe des chambres dans lesquelles étaient disposés les tombeaux. Les murs ont une épaisseur de 8 mètres. « J’étais à l’intérieur lors du tremblement de terre d’El Asnam. Rien n’a bougé. Pas une pierre », explique-t-il. Nous sommes dans la région de Tousnina, au sud-ouest de Tiaret et les vestiges semblent dater, selon notre interlocuteur, de l’an 490 avant notre ère. Le mausolée n’est pas rond comme celui du tombeau de la Chrétienne à Tipasa. Celui-ci est carré à sa base, mais a une forme arrondie sur la hauteur et épouse ainsi formidablement le mamelon sur lequel il est perché. Mais surtout, il est en piteux état. De nombreuses pierres ont déboulé, vaincues par le vent et le temps. Peut-être les chèvres aussi comme veulent bien témoigner les quelques branches déchiquetées des arbustes. Au sommet, il a été coulé, par l’homme moderne (mais lequel ?), une dalle de béton en forme de piquet comme pour dire « nous étions là ». Oui, mais là pour quoi faire ? car hormis le fait de témoigner du passage contemporain de l’homme de par ces mausolées, rien n’a été véritablement entrepris pour préserver les vestiges. Une ruine plutôt. Le vieil homme propose une visite à l’intérieur. Et il a, comme s’il attendait notre venue, deux bougies à moitié entamées. Il préfère entamer le voyage par un tour autour de la structure. Il désigne, sur les premières pierres posées à même le sol, quelques bas-reliefs. Certains représentent des animaux comme le lion, la girafe ou le flamant rose (en tout cas un oiseau sur hautes pattes). Peut-on croire qu’ils furent de la région à l’époque ? Une pierre, disposée plus loin et détachée de la structure, évoque une scène où l’on peut voir un homme tenant en laisse ce qui ressemble à un cheval. La porte et les quelques marches, qui descendent vers l’intérieur du mausolée, sont dans la partie ouest. En contrebas, on peut suivre les lignes sinueuses de l’oued Mina qu’accompagnent quelques broussailles et lauriers roses. Une goubba située en contrebas sur la plaine fait face aux vestiges. Encore un saint, plus récent, mais qui ne peut se vanter d’avoir un repli aussi grandiose ni une architecture aussi travaillée.
D’emblée : le noir et la fraîcheur. Le vent pourtant avait bien mis en joug l’aridité du soleil, mais la fraîcheur qui règne dans le mausolée est toute autre. C’est une fraîcheur que rien ne pourrait entamer. Celle des lieux obscurs, des lieux isolés où la lumière ne transperce pas. C’est une fraîcheur glaciale, de tombe et qui tournoie entre les pierres robustes du mausolée. Une pierre devait servir de porte, on en reconnaît les marques au sol. Elle devait être ronde et rouler sur une sorte de pilori à l’aide d’un robuste morceau de bois. A l’intérieur, après avoir franchi le seuil, un couloir mène tantôt à droite tantôt à gauche. Il s’agit d’un long corridor au bout duquel on trouve trois chambres. Au dessus de chacune, quelques fresques aux motifs berbères, que nous retrouvons encore aujourd’hui sur les poteries ou sur les tapis, sont gravées à même la pierre. Chaque chambre a son propre motif. Celles-ci sont placées de façon symétrique à l’intérieur du mausolée. Deux chambres sont contiguës à chaque aile et seule une offre assez d’espace pour permettre de faire une rotation à l’intérieur du couloir, pour y faire entrer et entreposer ce qui devait être un sarcophage, dont seules les traces sont apparentes sur le sol. A certains endroits, et plus particulièrement à l’aile ouest, le plafond a été détruit. En fait, plusieurs cloisons sont suspendues pour faire office de plafond et ont été détruites par des pilleurs pensant y trouver un trésor caché. Dans le couloir, où le plafond n’a pas été touché, on peut constater qu’il est bas et qu’il faut à certains endroits se baisser pour pénétrer dans une chambre.
Les Djedars, ainsi sont-ils désignés, sont dans un grand état de délabrement, même si on est surpris qu’après autant de siècles et d’événements, ils soient encore debout. Certains sont en meilleur état mais rien ne laisse croire qu’ils le resteront encore longtemps. Des rois et des tombes, il ne reste rien. Seules quelques inscriptions sont à peu près conservées pour peu que les pierres ne soient pas orientées du côté où le vent est le plus fort et la pluie la plus violente. Les hommes, mais également les bêtes, se sont acharnés sur ces vestiges qui ressemblent de près au mausolée de Tipasa de par son architecture arrondie. A la direction de la culture de la wilaya de Tiaret, l’heure ne semble pas encore à la restauration de ces vestiges ni même à leur préservation, même s’ils déclarent le contraire. Une clôture devrait limiter l’accès à l’intérieur des mausolées, afin de protéger l’homme d’éventuelles chutes de pierres mais aussi l’architecture des dégradations. Et puis, il pourrait y avoir des indications pour renseigner le visiteur.
Car, en effet, il n’y a rien. Ni sur la route qui désignerait les sanctuaires ni sur les lieux. Juste un simple panneau pour indiquer que, dans la commune de Medressa, se trouvent une dizaine de mausolées distants de 6 km des autres situés sur le mont lakhdar, une information trouvée sur des sites internet. Grosso modo, on ne sait pas sur quel djebel les mausolées se trouvent, ni de quoi il s’agit ni de leur époque. Autant dire qu’aucune information n’est accessible sur place. Cependant, on doit reconnaître que l’absence totale d’informations et d’aménagement confère au lieu encore plus de mystère et de surprises. Visiter les Djedars, aujourd’hui, ressemble un peu à la découverte d’un trésor. L’isolement des lieux et leur inaccessibilité procurent au visiteur l’étrange plaisir de soulever le voile d’un bout d’histoire et d’être le seul récipiendaire d’un cadeau que les mamelons des djebels ont bien voulu offrir. Ces pyramides, qui épousent leur décor pour se fondre encore davantage dans le temps, sont le témoignage d’une Numidie où régnaient avec force et vigueur des héros dont l’impétuosité et le génie n’avaient rien à envier aux civilisations modernes.
Zineb A. Maiche