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Laksar-Tirmitine, un siège royal? jijel-archeo
Archéologie

Protection du patrimoine

Laksar-Tirmitine, un siège royal?

in El Watan du mercredi 17 février 2010

Voici le cri de coeur poignant d'un lecteur d'El Watan. Un citoyen jaloux de son histoire et de la protection de son patrimoine et plus particulièrement de son cher Laksar. Il décrit avec fascination le site qu'il côtoyait depuis longtemps et déplore également, comme le font les amoureux de l'archéologie locale en Algérie, le manque de protection dédié au patrimoine historique et l'absence de plans de sauvegarde ambitieux et durables. Karim H.

Aussi loin que l'on aille dans le temps, on ne trouvera certainement pas un siège de commune qui aurait enduré autant de banderilles pour marginalisation qu'a connue Laksar (le palais), cet espace féerique des At-Khelifa dominé par la majestueuse et historique Taddert-Tamoqrant. Mais là n'est pas mon propos. Par contre, c'est de cette appellation de «palais» que je parlerai dans ma présente contribution qui sera axée plus dans le sens scientifique que socio-économique dont aurait plus besoin, effectivement, cette contrée oubliée par le temps et par ses hommes.

Aussi viendrais-je respectueusement auprès de votre quotidien pour lancer un appel on ne peut plus pédagogique car s'agissant d'une réflexion en vue de la sauvegarde d'un patrimoine historique local. En effet, le chef-lieu de la toute jeune commune de Tirmitine renferme en son sein, et beaucoup de gens ne le savent pas, tout un pan d'une civilisation probablement aussi ancienne que celle romaine et j'insiste.

Laksar, puisque c'est de lui qu'il s'agit, serait alors un siège romain si l'on se réfère aux vestiges archéologiques qu'il ne cesse de libérer ça et là et ce, depuis des décennies. La toute dernière étant celle rapportée par un riverain des lieux qui a été jusqu'à affirmer et je le cite : « Lors de la construction de notre habitation, on était carrément tombé dans un espace digne des saunas romains qu'on voit dans ces péplums hollywoodiens. Et comme la limite de notre terrassement devait s'arrêter là, on ne s'eut pas fait prier pour colmater vite cette "histoire ancienne des autres" pour pouvoir vivre "celle du présent, la nôtre".» Cependant, cette même personne, très éprise de culture, a toutefois souhaité qu'on puisse un jour fouiner officiellement dans cet espace, laissé d'ailleurs à l'abandon. Mieux que cela, il se pourrait même qu'il ait été un centre de pouvoir.

En effet, toute construction au sein de ce périmètre (150 m x 50 m), et il y en eut, fait souvent décourager son homme par ces lugubres vides qui se succèdent et qui font douter, quant aux appuis porteurs de l'édifice projeté. Un autre riverain a parlé de découvertes de mosaïques bien travaillées, ramenées accidentellement des profondeurs osées. Au jour d'aujourd'hui, cet espace, avec ses murs aux dalles romaines, à fleurs pour certaines et jetées pêle-mêle pour d'autres, est toujours laissé en jachère, attendant peut-être d'être éventuellement recensé en tant que patrimoine archéologique. Notons, à ce propos, que Tajemaït-Ufella (détruite récemment pour utilité publique avérée) avait en son sein ce genre de dalles comme reposoirs, vu leurs parfaites tailles. Dernièrement, un sage du village m'a révélé que dans les années 1950, un des propriétaires des lieux cassait des pierres dans cette surface et les vendait comme matériaux de construction. Quoi de plus normal ! Récemment encore, un autre riverain a trouvé des ossements à environ 1,50 m de profondeur sur le flanc allant vers Takharrubt, un cimetière probablement plusieurs fois centenaire. Et quand j'ai poussé ma curiosité outre mesure, j'ai découvert que les dalles en question proviendraient d'un lieu-dit Soumaâ (signifiant poste d'observation en tamazight) situé à 1 km de là. Dans cette antique carrière, on trouva même une dalle à moitié taillée, et ce ne sera certainement pas A. Hacène qui me contredira.

Dans les années 1970, j'ai vu de mes propres yeux, au large d'Azaghar, une borne milliaire signifiant probablement que ce palais faisait relais avec le site romain de Aïn Faci (près de DBK) rejoignant par là la côte dellysienne. Autre point et non moins important, l'inépuisable fontaine d'Azemmur-Meriem, Asaridj, pourrait avoir sa source du côté de Soumaâ et remonterait peut-être à cette période romaine (IIe, IIIe siècle ap J.- C.) ; sachant que pour ces derniers, l'abondance de l'eau est un préalable à toute fixation en un lieu donné. Aussi, ma réflexion sur ce sujet est-elle une invitation à ce que l'on dépêche sur les lieux (à 300 m du siège de l'APC) une équipe des services archéologiques de la wilaya de Tizi Ouzou pour pouvoir engager d'éventuelles fouilles, afin de confirmer ou infirmer tout ce qui se dit et se voit à ce niveau. Notre commune, qui n'est pas à démontrer dans son état de pauvreté, pourrait faire valoir ce trésor dans le cadre du développement durable et se distinguer ainsi, pourquoi pas, dans un tourisme qui, il est vrai, restera à inventer. Car au train où l'audacieux béton avance, si l'on n'intervient pas d'ici à une décennie, Laksar ne sera alors qu'une appellation barbare ; «l'Anza» des vestiges n'étant pas dans les cordes des traditions de l'humanité. Et alors là, ce sera tant pis pour nous et pour les générations à venir et... tant mieux pour le sommeil des abîmes et des sociétés profondes, à jamais englouties.

Merci de me prendre en considération.

S. Slamani, Laksar

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Proposé par Karim Hadji