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Le Rachidi journal à Djidjelli
Repères historiques

Presse indigène

Il y a 100 ans Le Rachidi (1911-1914) : Le journal «indigénophile»

in El Watan du jeudi 06 janvier 2011

Il y a 100 ans, jour pour jour, soit le 6 janvier 1911, sortait de la l’imprimerie Gattard, rue de Lyonne (actuellement rue Didouche Mourad) à Jijel, le premier numéro du journal indigène Le Rachidi.

Hamou Hadjamar du RachidiLa voie droite (Le Rachidi) est l’œuvre d’un groupe de cinq personnes, ayant 34 ans de moyenne d’âge, note M. Sekfali, appuyé par quelques «indigénophiles». Les liens politiques et familiaux ont contribué à consolider le groupe composé de trois intellectuels, Abdelaziz Abdelaziz, Badri Ferhat et Fergani Boudjemaâ, dit Bachir, et de deux commerçants, Benkhellaf Abderahmane, dit Ahcène, et Hadjamar Mohamed, dit Hamou. Ce dernier est considéré comme le plus illustre.

Il a été un proche de l’Emir Khaled, et a même dirigé l’Ikdam-Rachidi après la fusion des deux titres. Avec ce noyau, on retrouvera aussi les trois instituteurs, les frères Kiniouar, Mohamed et Ferhat et Bouguessa Kacem.

Se présentant comme un organe indépendant d’union franco-musulmane et des intérêts djidjelliens dans sa période allant du 6 janvier 1911 au 26 janvier 1912, il s’intitulera, depuis cette dernière date et jusqu’à son dernier numéro (13 novembre 1914), Organe des intérêts indigènes et d’union franco-musulmane. Paraissant le vendredi, le journal est tiré sur quatre pages. L’étude des thèmes développés dans Le Rachidi, faite par Abderahim Sekfali, montre la prédominance des questions liées à l’enseignement des indigènes et aux réformes politiques. Dénonçant la désorganisation de l’enseignement des indigènes, les chroniqueurs du Rachidi s’en prennent au gouverneur général et au délégué financier, en déclarant que «jamais peut-être depuis l’occupation française, les actes arbitraires, les injustices les plus criantes ne se sont multipliés avec autant de cynisme dans l’administration académique depuis l’arrivée à Alger de M. Ardaillon, jamais l’enseignement – celui des indigènes – n’a traversé une crise interne aussi grave que celle qu’il subit actuellement».

La question de la conscription a aussi constitué un thème contre lequel des articles hostiles ont été publiés dans Le Rachidi. Des pétitions contre la conscription ont été publiées sans compensation. Quelques mois après la parution du décret du 3 février 1912, établissant une conscription avec un service de 3 ans pour les musulmans, Le Rachidi a mené, en mai de la même année, une campagne sur le thème «Pas de service militaire sans compensation», ou encore «Egalité avec nos frères français». Dans son édition du 28 juin 1912, Le Rachidi, sous la plume de Numéa Léal, prévient : «Pour que la conscription militaire en Algérie nous donne pleine et entière satisfaction, il faut que nous fassions quelque chose pour les indigènes. Ceux-ci veulent être traités avec plus d’humanité, plus de justice. Jamais revendications ne furent plus dignes et plus légitimes.»

C’était un journal particulièrement sévère pour les délégués indigènes au sein des délégations financières. Il est, par ailleurs, reproché à l’administration coloniale de privilégier les illettrés fortunés, ayant des liens maraboutiques, aux indigènes qui ont suivi des cours du cycle secondaire ou supérieur. Les critiques envers les concitoyens sont légion. Ainsi, dans l’édition du 29 décembre 1911, celles-ci s’attaquent au président de la section arabe des délégations et ses semblables, qui sont traités «d’assoiffés de décoration, d’agenouillés, couverts de décorations et de vêtements superbes», qui ne se doutent pas que «lorsqu’on les voit passer, l’épithète vendu monte de toutes les bouches».

Commentant la nomination au poste de cadi, à Guelma, de Sehili Taïeb, l’organe de Jijel note dans l’édition du 8 mai 1914, que «ce notable agenouillé, délégué financier, chevalier de la Légion d’honneur, est arrivé par ses intrigues à décrocher un poste convoité». Le Rachidi ne s’empêchait pas ainsi de ridiculiser les suppôts du colonialisme, à l’instar de ce bachagha et grand officier de la Légion d’honneur, membre de la Chambre d’agriculture et de Commerce de Constantine, traité, dans l’édition du 17 mai 1912, de «vieux turban qui ne cherche qu’à servir ses intérêts personnels et à obtenir des décorations». Qualifié d’incapable, «qui n’occupe même pas son siège dans les assemblées où il est élu», le journal lui dénie le titre d’élu de Constantine, en lui précisant : «Seul votre or vous donne un titre que vous ne méritez pas».

Gilbert Meynier révélera dans son livre, qu’une bonne partie des rédacteurs du Rachidi «sont d’ailleurs des Européens de la ligue des droits de l’homme». Le Rachidi du 29 décembre 1911 décrira Dominique Luciani, directeur des Affaires indigènes comme un «ennemi implacable et vindicatif», en réponse à la fermeté des délégués européens. Naturellement, en cette période, la presse indigène, écrira Zohir Ihaddaden, a voulu jouer le jeu de la légalité en faisant l’intermédiaire entre le gouvernement français et les masses algériennes. Il remarquera aussi que la période durant laquelle Le Rachidi a existé, une certaine tolérance avait caractérisé l’administration coloniale vis-à-vis de la presse indigène qui avait pris son élan et se développait normalement.

Fodil S.

Bibliographie:
  • Le Rachidi : journal de Jijel, bastion du mouvement Jeune Algérien, Abderahim Sekfali (Revue d’histoire Maghrébine, mai 1999)
  • Un Parlement colonial : les délégations financières algériennes – Jacques Bouveresse
  • L’Algérie révélée – Gilbert Meynier
  • L’histoire de la presse algérienne, des origines à 1930 – Zohir Ihaddaden

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Proposé par Karim Hadji