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Digest de la presse algérienne sur les questions de l'archéologie, de l'histoire, de l'environnement et de l'écologie...


Polémique: l'archéologie algérienne inexistante?
Archéologie

Polémique : PATRIMOINE & ARCHÉOLOGIE

Halte à la répression !

in Le Soir d'Algérie du jeudi 05 Juin 2008

A Madame la ministre de la Culture qui pousse loin le mépris en affirmant sur les ondes de la Chaîne III qu’il n’y a pas d’archéologues en Algérie, nous répondons : “Laissez-nous travailler et nous serons là, plus nombreux que vous ne le pensez, et certainement aussi plus compétents.”

Par la grâce de la loi 98/04 du 15 juin 1998 relative à la protection du patrimoine culturel, le ministère de la Culture se trouve avoir en main un pouvoir exorbitant sur la recherche archéologique dont il ne se prive pas d’user et d’abuser, exerçant des pressions insoutenables dont la recherche scientifique a fort à pâtir et qui explique en grande partie le marasme dans lequel elle est embourbée depuis plusieurs années déjà. En effet, les articles 6, 27 et 71 soumettent tous les types de travaux, relevés, photographies, prospections, fouilles et publications, à des autorisations délivrées par le département de la réglementation au ministère de la Culture. Si pour les travaux de fouille, une législation protectrice s’impose, l’autorisation devant passer par un conseil scientifique compétent et objectif — car une fouille mal conduite amène à la destruction des informations qu’elle est censée livrer —, pour toutes les autres interventions, les autorisations ne représentent que des obstacles administratifs. Malgré ces textes restrictifs, les archéologues pourraient tout de même envisager de travailler si les services concernés montraient un minimum de bienveillance ou tout simplement de conscience professionnelle. Les agréments de projets de recherche, présentés dans le cadre d’institutions nationales, se font désirer, bien au-delà de l’année pour certains, sans que soit fournie une réponse claire pour justifier un tel délai. Pour d’autres, bien sûr, qui bénéficient de hautes recommandations, l’autorisation peut être simultanée à la demande. Pareillement, l’Institut d’archéologie sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est soumis à ces demandes d’autorisation pour toutes les sorties sur le terrain des étudiants, qui pourtant font partie intrinsèque et constante de leur programme. On ne compte pas les fois où la programmation des stages ont été compromises par leur non-délivrance, du moins à temps, quand ne s’exprime pas, mais toujours de manière impalpable, une mauvaise volonté à l’encontre de certains enseignants chercheurs qui voient leur demande égarée ou qui en sont toujours à attendre une autorisation devenue au fil du temps fortement improbable. Par là, les services «compétents » contreviennent à la réglementation car l’article 72 leur fait obligation de répondre dans un délai de deux mois. Par ailleurs, des projets de recherche avec des institutions étrangères, pourtant dûment signés par la coopération et les plus hautes instances de l’État, se sont vus entravés par les services du ministère de la Culture. Des autorisations de photographier ou de filmer qui arrivent toujours trop tard, des interdictions de sortie sur le terrain, des manifestations culturelles programmées et annulées en dernière minute, compromettent ainsi gravement la crédibilité de notre pays. La recherche archéologique souffre aujourd’hui des textes qui régissent la politique du patrimoine, mais encore plus de leur application aléatoire et clientéliste. Cette attitude se traduit sur la scène de la recherche scientifique méditerranéenne ou même africaine par l’absence de notre pays dont pourtant nous savons que l’histoire si longue remonte à la préhistoire la plus ancienne et dont le territoire est si vaste qu’il crée un trou béant dans la connaissance historique et préhistorique du nord de l’Afrique.

A Monsieur le ministre de l’Enseignement supérieur, à Madame la ministre déléguée à la Recherche scientifique, tutelles directes des enseignants et des chercheurs, nous demandons l’établissement d’une convention ministérielle avec le ministère de la Culture qui garantisse nos droits à la recherche et à l’accès sur le terrain et nous prémunisse des comportements subjectifs personnalisés. A Monsieur le Président de la République, nous faisons appel, en dernière instance, pour que nos droits à exercer notre fonction soient respectés sans entrave, dans l’intérêt d’une meilleure connaissance et reconnaissance de notre patrimoine et de notre histoire, et dans celui plus général de notre pays, de son épanouissement et de son image, qui ne peut, cela va sans dire, que nous tenir à cœur.

Nagette Aïn-Séba (maître de conférences, Institut d’archéologie), Ginette Aumassip (préhistorienne, chef de projet en Algérie du programme européen «Patine du désert»), Khokha Ayati (chargée de cours, Institut d’archéologie), Nacéra Benseddik (chef de projet au CRASC), Yasmina Chaïd-Saoudi (maître de conférences, Institut d’archéologie), Daho Djerbal (universitaire), Salim Drici (enseignant chercheur, Institut d’archéologie), Hania Gasmi (Association des amis du Tassili), Djahida Houadef (artiste peintre), Abderrahmane Khelifa (historien archéologue), Amine Mheri (architecte), Boussad Ouadi (éditeur, coordonnateur du programme Euromed héritage «Discover Islamic Art»), AASPPA (Association algérienne pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine archéologique).

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Proposé par Karim Hadji