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Jijel, d'un repère à un autre

 

Repères

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« La gazelle reste dans son pays dans la sécheresse comme dans l'abondance » Proverbe targui

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 Slimane Zeghidour | Portrait | jijel-archeo

Slimane Zeghidour
Enfant d'Erraguène et citoyen du monde

Slimane Zeghidour a tourné en compagnie d'une équipe de TV5 monde un documentaire sur son village natal Izzeraguène. Le film qui est déjà passé à la télévision est maintenant sur youtube. Avec son aimable autorisation, je l'ai mis sur le site en l'introduisant d'un chapeau très «large» que lui-même a estimé très généreux pour sa modeste personne. N'empêche que j'ai étalé là une libre pensée de mes impressions premières qui m'ont parues justes et justifiées et je crois que j’ai peu dit de son immense talent… Slimane posant à côté du buste de John Steinbeck Slimane posant à côté du buste de John Steinbeck
lors de la conférence de Berkeley, Monterey 2012

Slimane Zeghidour est un intellectuel émérite, auteur de plusieurs ouvrages remarquables. Il est né, et peu de gens connaisse, dans la wilaya de Jijel à mechta El-Oueldja, à l'est d'Izzerraguène. Dans une région très escarpée mais néanmoins splendide avec comme tableau de fond les magnifiques monts jumeaux et azurés de Babor et Tababort. Là où les Ibéro-maurusiens nous ont laissés des traces de leurs présences. Les Romains et avant eux les Puniques ne s'y sont pas trompé en s'installant dans ces contrés montagneuses au charme âpre et plantureux et n'ont pas déconsidéré cette belle région. Des vestiges existent encore à El Aïoun à l'est d'Erraguène et à Bida (Ad Basilicam) et Gueroua à l'ouest. Les Musulmans ne l'ont pas boudé également, les fatimides probablement à Kebaba ont aimé l'endroit et s'y sont établis.

L'école La première école amménagée sous une tente au camp de regroupement d'Erraguène.
Slimane, 3e assis à l'avant de la classe appuyé sur un bâton.
A droite, madame Cabanal, maîtresse d'origine métropolitaine juste et très humaine auquelle Slimane a dédicacé son dernier ouvrage et rendu un hommage appuyé à la conférence de Berkeley

Slimane Zeghidour est journaliste et essayiste, rédacteur en chef à TV5 Monde. Grand reporter, il a longtemps arpenté l'Amérique latine, le Proche-Orient, la Russie et l'Asie centrale. Il a collaboré à divers journaux, notamment Le Monde, Le Nouvel observateur, Télérama, Géo, El Pais. Parallèlement, il visite fréquemment sa région natale, il ne peut s'en détacher complètement. À chaque fois, comme l'oiseau invisible de la forêt, il vient sonner l'alarme pour nous éveiller, nous prévenir des dangers et des atavismes létaux. Des atteintes au patrimoine et à la toponymie locale si excitante. Tout le temps, il revient et étale pour nous, un nom, un toponyme ; il est le facteur « des noms et des lieux » dissimulés, dixit Mustapha Lacheraf, puis dans l'aphonie, le lecteur et le traducteur des lettres aux adresses inconnues. Comme un conservateur, il désire restituer à son territoire une mémoire qui disparaît de plus en plus. Tel un maçon sans truelle, il façonne des objectifs pour son bout de pays, noyé et dévoyé, détruit ou enterré.


Le barrage d'Erraguène. La vallée et le camp de regroupement sont
sous les eaux

La vie au camp d'Erraguène

À titre d'exemple, notre compatriote trouve navrant que l'on distend le nom serpentiforme d' "Izzeraguene" en Erraguène, en français puis en un aplat suiveur en arabe. Lui adjoindre un nom de Chahid n'est encore valorisant ni pour le premier ni pour le second. De quel droit une administration illégitime et à côté des aspirations populaires se permet-elle de « transcrire un nom sous une forme que personne ne prononce jamais »? Les français l'ont fait en dénaturant l'appellation d'origine, les algériens les ont suivi. Ces décisions prises unilatéralement sont-elles légales? Le double viol du phonème n'a jusqu'à aujourd'hui pas été reconnu ni réparé. Mais quand on regarde le sort réservé à la personne humaine, on ne s'étonne plus.

Je ne sais pas si on peut considérer SlimaneZeghidour comme un Berbère, un Arabe, un Libyque ou un Ibéro-maurusien? Il les embrasse tous, plus que ça, c'est un oecuménique. Très imprégné par la culture de la Petite Kabylie, de son parler et de ses traditions, il est très ouvert sur le monde. Comme tout homme sensé, il souffre de voir sombrer Izzerraguène et une cinquantaine de hameaux de l'arrière pays jijélien dans l'oubli, dans un abandon sans retour. Et il nous le fait savoir. Par exemple, un immense barrage au nom éponyme a été érigé à la fin des années 60. Mais le territoire, qui possède, les « pieds dans l'eau » reste assoiffé. Pourquoi, préfère-t-on évacuer ces eaux ailleurs pour desservir d'autres wilayas sans penser en premier aux « héritiers légitimes » ? Je connais de difficiles situations dans des lieux que j'ai eu à visiter. D'autres populations à l'instar de ceux de Chigara et ceux survivantes sur les versants du mont M'sid Aïcha, près de l'immense Barrage du Béni Haroun, continuent d'acheter l'eau des citernes. Leurs eaux sont transférées jusqu'à Constantine, aux Aurès même!

Par delà ces constats, ce sont ces travaux qui l'ont fait connaître. Ils l'ont conduit à visiter le monde entier. Il suit depuis vingt-cinq ans l'essor spectaculaire du facteur religieux dans les affaires du monde, de l'Amérique latine à la Russie en passant par l'Europe et le Proche-Orient. ہ ce titre, il a été chargé de cours à Sciences-Po (Menton et Poitiers) où il assura un séminaire de « géopolitique des religions ».

Il a notamment publié « La vie quotidienne à La Mecque, de Mahomet à nos jours » (Hachette, 1989), prix Clio d'Histoire ; « Le voile et la bannière » (Hachette-Pluriel, 1990) ; « 50 mots de l'islam » (Desclée de Brouwer, 1990) et plus récemment "L'Algérie en couleurs, photos d'appelés 1954-1962" (Les Arènes, 2011).

Dernièrement, le 19 avril 2012, Slimane Zeghidour a donné une conférence à l’université californienne de Berkeley sur Erraguène, rappelant « in english », l’histoire presque personnelle ainsi que la vie et les souvenirs de ceux qui vivaient dans le village disparu. Intitulée « Chronique d’un village disparu », il raconte le déracinement et le dénuement qu’auraient subi les populations de la région d’Erraguène, extirpées de leurs terres, semblablement aux 2 millions de déplacés algériens en majorité des paysans, soit environ 40% de la population indigène, qui durant la guerre d’indépendance, sera placé dans des camps de regroupements. Ceux d’Erraguène, à l’instar de la famille Zeghidour, auront à supporter un deuxième renvoi, quand le camp, qui faisait office de petit village fut complètement noyé sous les eaux du barrage éponyme.
On était arrivé à l’indépendance du pays, peu de familles reviendront chez elles. Leurs maisons sont ruinées, les sources taries. Les terroirs ne sont plus reconnus, les repères effacés, la terre « a bougé » et leur histoire s’est égarée. Beaucoup déjà ont du s’exiler à Alger ou ailleurs. L’état algérien au lieu d’aider au retour des populations dans leur territoire, les ignora complètement. Versé dans des idéologies stériles et irréalisables, il accentua par contre les mutations rurales profondément remuées déjà durant le siècle de colonisation. Dans son allocution à Berkeley, égayée par une série de photographies aussi inédites qu’émouvantes, Slimane Zeghidour clôtura son discours en proclamant à l’assistance : « Nous avons gagné notre indépendance et perdu notre pays ».


Des cousines de Slimane Zeghidour
La fontaine du Campement.
Le camion est celui du père de Slimane

À côté de cet parcours fertile, pour autant que je sois moi-même passionné d'archéologie et soucieux du patrimoine, j'aurais aimé que mon ami s'intéresse pareillement à l'épigraphie locale, qu'il nous gratifie comme il sait l'écrire d'articles inédits ou de livres. Et justement, il ne s'en est pas privé, en étudiant les langues sémitiques, le canaanéen notamment, l'idiome des Carthaginois et de leurs héritiers les Puniques (d'où le berbère "tiphinagh"). Grand avantage pour l’érudit qui n’aura point de difficulté à décrypter, précisément, les inscriptions locales qu’elles soient puniques, romaines ou arabes… La liste des épigraphies que l'on pourrait récolter, qui nous renseigneraient sur les noms de personnages insoupçonnés ou sur les toponymies anciennes, qu'il apprécie tendrement, est largement ouverte. Il suffit que l'on cherche, que l'on conserve. Il n'est pas désagréable de le répéter, les inscriptions et les gravures sont très utiles pour la science historique de nos localités et celle du Maghreb en général. Une belle voie à explorer.

À bon propos, il nous fait remarquer que Jijel, mais aussi Cirta, Calama, Barcelone, Cadix... sont des noms canaanéens, et nous invite, pour comprendre l'histoire du Maghreb, à se pencher sur le millénaire de civilisation carthaginoise qui façonna la région et, au-delà, le bassin méditerranéen.

Mais soyons vigilants. Soyons logiques. En face de lui, qu'est ce qu'il y a? En face de nous aussi. Le néant, l'incompréhension, une région désertée par ces habitants et les pouvoirs publics. Ces interlocuteurs en Algérie, à défaut de personnages politiques sincères et dévoués, d'hommes de culture prolifiques et désintéressés, sont des "Vigiles" ou des anonymes douteux. L'Algérie est-elle tombée si bas ou bien avons-nous perdu l'essentiel? Peut-il s'interroger?

Ne nous faisant pas de souci, ce voyageur des intimités et des amitiés, est un grand reporter. Un moral plein de capacités, nourrit sur « les chemins qui montent », croyant aux vertus de l'écriture et de la connaissance. Il déplore légitimement pour son pays, comme tant de gens de coeur, les indépendances inachevées, les rêves confisqués, les patrimoines souillés et falsifiés. « Spolié » dans sa jeunesse, comme la bourgade d'Erraguène qui avait perdu son souk, son aérodrome, ses maisons, engloutis sous des millions de mètre cubes d'eau, il demeure profondément touché et ébranlé par la perte de ses territoires d'enfance, de son école, de sa maison. Jusqu'à sa tentation réussie d'en récolter d'anciennes photos et de les exhiber dans un beau livre : « L'Algérie en couleurs ». Une restitution imagée des déchirures consommées. Pourtant, ce déraciné de la culture, ce Socrate d'un « Espace retourné » pense qu'il a perdu une part de l'Algérie…sans doute quelques unes de ces couleurs aussi!

Karim Hadji
Maghreb Orient Express sur TV5MONDE : Retour à Erraguene


Son dernier ouvrage
 

Liens utiles

  1. Invité à l'émission Expression livre sur canal Algérie. Slimane Zeghidour raconte "L'Algérie en couleurs"
  2. Slimane Zeghidour : L'enfant d'Erraguène témoin du déclin des Babors in El Watan
  3. Retrieved Atlantis: Photographic Memories of a Disappeared Algerian Village

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