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DZ Digest Press

 

Digest de la presse algérienne sur les questions de l'archéologie, de l'histoire, de l'environnement et de l'écologie...


Boussaada, le charme du Hodna
Des Pays & des Cités

Virée dans le Hodna

Bousaada, un charme écorché

in Le Midi du Dimanche 23 décembre 2007

Bousaada, cité dont la signification est le bonheur, fut un lieu de villégiature par excellence. Nombreux étaient ceux qui fuyaient Alger et autres mégalopoles pour venir y couler une douce oisiveté, l’espace d’un week-end, en effectuant des randonnées et découvrir ses curiosités. Focus.

Ses oasis disséminées au milieu de la plaine du Hodna constituent un havre de paix et de sérénité. Un site qui n’a pas manqué aussi d’exercer un charme irrésistible sur les artistes peintres tels Etienne Dinet qui y fixa sa résidence, le Flamand Edouard Verchafelt qui y séjourna quelque temps ou encore Guillaumet qui y peignit «la Fileuse» ou «la Séguia».

A quelques kilomètres de l’entrée de la ville de Bousaada, le paysage enchanteur laisse rêveur le spectateur. Un décor topographique qui laisse émerger un ensemble de hauteurs présentant un caractère montagneux : un massif plissé sous l’action de l’érosion éolienne se dresse majestueusement, coiffant un ouvrage naturel qu’on appelle le billard, un promontoire sur lequel les Béni Hillal y ont bâti leur vie en érigeant des constructions en pisé. Nous poussons plus loin pour atteindre les bancs sablonneux que nous traversons avant de voir l’agglomération poindre au milieu d’une touffe oasienne. Une steppe s’étend à perte de vue de part et d’autre. Il est vrai que quelques heures suffisent pour arpenter les coins de la ville coincée entre trois monts, mais la clarté vespérale qui se répand sur les flancs des versants alentour nous force à une longue halte. Un spectacle de lumière qui invite à la contemplation, voire la méditation. De la matière aux poètes et peintres pour voler quelque instant d’un spectacle féerique au milieu des palmeraies qui, au fil des ans, se rapetissent, relèvent non sans dépit, les autochtones. Une ville où, pourtant, l’eau jaillit abondamment - témoin la fontaine Ain Loumamine qui coule à longueur d’année - grâce à la richesse des nappes phréatiques qui alimentent sans discontinuité les sources. La terre est fertile et les potentialités agricoles de la ville sont énormes. Pour peu que les jeunes s’y mettent au travail. D’ailleurs, les résultats se font sentir au niveau des EAC (Exploitation agricole collective) où de grandes superficies verdoyantes occupent la partie sud-ouest de la ville, notamment vers El Maadher dans la daira de Bir Henni, distante de 25 km de la ville de Bousaada. Culture maraîchère et arboriculture s’y côtoient merveilleusement. Les camions de M’sila, Biskra, Batna, Constantine défilent en permanence vers Mcif pour s’y approvisionner régulièrement en produits maraîchers.

Une concrétion urbanistique anarchique

Une terre féconde à laquelle s’oppose, malheureusement, une concrétion urbanistique qui se développe comme une plaie béante pour amocher davantage l’ancienne médina. Un temps présent supplanté par une nouvelle vague de «squatters» ; des goinfres de mauvais goût qui rognent des superficies de terre oasienne. Et l’on ne peut éviter de s’interroger si, de son vivant, Dinet aurait accepté de fixer sa demeure dans un environnement sans âme... «S’il voit ce hideux décor, il n’hésitera pas à se retourner dans sa tombe», me lance non sans ironie un de mes compagnons de route. Sur le flanc des versants environnant la ville, la grisaille du béton se veut envahissante. Elle s’arroge le droit d’effacer la couleur ocre des parois de l’ancien ksar. Les matériaux de construction du terroir n’ont plus droit de cité. Au point où le blason de la ville - composé d’une voûte ogivale, du lévrier, de deux palmiers, d’une dune et d’un soleil- est terni. Au fil du temps, la vieille médina s’est défaite de sa spécificité naïlie. Que sont devenus ses places publiques, ses forts et ses mosquées couronnées de minaret de forme ogivale ? Piètre constat que les anciens des Ouled Nail évoquent non sans un pincement au cœur… Si les remparts du fort Cavaignac qui surplombent le centre ville donnent l’apparence de résister à l’outrage du temps, plusieurs demeures anciennes ont, en revanche, cédé. Plus bas, les nouvelles constructions font fi de la spécificité architecturale de la ville des Ouled Naïl. La mosquée des Mouamine qui fait face au musée Nasr eddine Dinet a perdu de son lustre. Elle a fait les frais de la bêtise humaine, à cause de «bien-pensants» qui ont eu l’«ingénieuse» idée de détruire le lieu de culte datant de plus de sept siècles, pour ériger à sa place une laideur architecturale. Les mosquées des Ouled El-Attiq et Eccheurfa gardent, quant à elles, leurs éléments architectoniques d’antan. Les palmeraies abondamment arrosées par l’oued Bousaada, dont les berges ombragées de palmes - sur lesquelles Dinet tenait son atelier - formaient un paysage de rêve. Ce beau parcours, au bord de l’oued et au milieu d’un paysage admirable, s’y prêtait allègrement à la promenade. Ce qui n’est plus le cas à présent, car les odeurs pestilentielles générées par les eaux usées à ciel ouvert, déversées par une colonie d’habitations anarchiques, agressent la limpidité des eaux qui serpentent le long du lit. Un lit qui prend naissance des chutes de cascades, à partir du site appelé Moulin Ferrero, dont il ne reste, désormais que des vestiges. N’est-ce pas là un «bras d’honneur» à Dame nature qui souffre de l’incivisme des uns et de l’incurie des autres ? On semble n’en avoir cure, en tout cas. En matière d’équilibre écologique, il n’est pas inutile d’ouvrir une parenthèse sur une zone humide, en l’occurrence le Chott du Hodna, qui risque de devenir un réceptacle des déchets des localités environnantes et ce, faute de Step (Station d’épuration des eaux usées), nous signale-t-on. En contrebas de la montagne Kerdada, un mausolée se dresse dans sa blancheur immaculée. Un monument qui renferme la tombe du peintre Nasr eddine Dinet et celles de son compagnon, Hadj Slimane Ben Brahim et la femme de ce dernier qui était blanchisseuse. Cela n’a pas empêché un riverain mitoyen de grignoter quelque arpent du terrain du tombeau, nous dit-on. Une mémoire que le Musée national Nasr eddine Dinet s’emploie bec et ongles à protéger.

Zaouia El Hamel, fief de la confrérie des Rahmania

Par la route sinueuse qui mène vers Djelfa, nous nous rendons à la commune El Hamel. Une curiosité s’offre à nous : la zaouia El Hamel qui, de loin, semble couronner le village. Cette structure cultuelle de la confrérie (tariqâ) des Rahmania, dont les remparts font l’objet de restauration, s’étend sur quelque trois hectares. Nous apprenons que, jusqu’en 1904, la zaouia, cette institution religieuse séculaire, eut la particularité d’être placée sous la direction d’une femme, à savoir Lalla Zeinab, qui avait succédé à son père, cheikh Mohamed Ben Belkacem, personnalité religieuse influente, décédé en 1897. Le moqâdem nous reçoit dans le parvis de la zaouia où trônent trois mûriers. Il nous conduit dans une dépendance de hôtes où nous reçoit Cheikh El Mehdi El Kacimi qui, dans la limpidité d’un arabe châtié, ouvre son discours sur une réflexion liée à la liberté de pensée. Il est relayé par le moqâdem qui dresse un exposé sur l’histoire et le fonctionnement de cet établissement religieux qui avait formé des milliers d’élèves depuis sa création en 1845. Une institution qui a vu aussi défiler d’illustres personnalités comme Abdelhalim Ben Smaya, Cheikh Bachir El Ibrahimi, Cheikh Snoussi, etc. La zaouia qui possède une très grande bibliothèque riche de 1098 manuscrits dont certains datent de plus de sept siècles, dispensait de nombreuses disciplines dont l’apprentissage du Coran, le fiqh, l’astrologie, la philosophie, explique notre guide M. Bensalem qui soutint sa thèse sur le rôle prépondérant de la confrérie dans cette région du Hodna. L’école de la zaouia avait fermé en 1974 pour ne reprendre du service qu’au début des années quatre-vingt, explique-t-il. Quelque cinquante élèves fréquentent actuellement, l’institution. Désormais, le cursus se réduit uniquement à l’apprentissage du Coran. Sur les parois du mihrab de la mosquée, qui abrite le mausolée, est inscrite une épitaphe qui nous renseigne sur la date de sa construction : 1904. La confrérie des Rahmania s’inspire de la philosophie de «Ikhwane Essafâ» et de l’art oriental dominé par la gravure des icônes et autres sculptures florales et fauniques qui enjolivent les murs et autres motifs de bas-relief sur les colonnes torsadées de la mosquée. Dans la qoubbâ de style byzantin et dont la coupole centrale est supportée par quatre faisceaux de cinq piliers chacun, reposent Si El Hadj Mohamed Ben Belkacem et sa fille dont le centenaire de sa mort a été célébré en 2005. Les travaux de l’extension de la mosquée de la zaouia El Hameul situé à Bousaada, ont été réalisées, apprend-on, en novembre 2006 en marge du séminaire national sur l’initiation spirituelle chez la confrérie Rahmania. La rencontre d’El Hamel a été une opportunité d’échanges entre les différentes tendances du soufisme, et d’étude du legs de la Zaouia d’El Hamel qui vient, soulignons le, de "numériser" son fonds documentaire de manuscrits, mis à la disposition des chercheurs algériens sur CD-roms.

Aïn Ghrab, une réserve enchanteresse

Bousaada offre un site merveilleux, mais donne l’impression de s’essouffler. Peu de projets sont inscrits dans cette ville qui constituait un lieu de villégiature, vers lequel beaucoup de touristes affluaient. Nordine Gharbi, un enfant de la région tient à revaloriser le patrimoine immatériel de la région. Pour ce faire, il ambitionne de réaliser un complexe au beau milieu des terres de ses aïeux, les Ouled Sidi Hamla. Il nous arbore un plan de maquette sur lequel figurent une cinquantaine de bungalows, kheimas, bassin, piscine, etc. Un véritable challenge dont l’opération n’est qu’au stade de dragage d’une palmeraie dans un terrain de 10 ha en attendant le lancement du chantier. L’hôtel Kerdada (ex-Transat), dont la conception et la décoration sont calquées sur l’hôtel El Djazair, a fait peau neuve en 2005. Si le propriétaire veille de plus près à son bon fonctionnement, l’établissement hôtelier, le Caïd, qui relève de l’EGT de Biskra, est loin de mériter le label «Trois étoiles», tant la gestion demeure indigente. Histoire de changer d’air et de décor, nous faisons cap sur Aïn Ghrab, un site situé dans la commune Djebel Emçaâd, à une trentaine de km du chef-lieu de la daïra de Boussada. Les étendues à perte de vue qu’offre le paysage régénère les «accus» du groupe qui prend plaisir à fredonner des airs dans une ambiance bon enfant. Nous traversons Oued Mguitaâ avant de rallier la commune Djebal Emçaâd où nous fûmes invités à siroter une boisson du cru qui requinque: el Djor, une infusion composée de plantes aromatiques dont la composition est constituée d’écorce de thuya, de brins de romarin et de feuille de chêne. Nous poursuivons notre route au milieu de ces espaces semi-arides, avant de voir poindre une végétation drue de part et d’autre du chemin qui monte pour culminer à une altitude de plus de 1.200 m. Nous observons une halte au milieu du site dit Aïn Ghrab. La journée est radieuse, mais le froid glacial de ce mois de décembre transit l’équipe qui trémousse. Cela ne l’empêche pas de humer l’air pur des hauteurs du Hodna qu’agrémentent des superficies immenses de pin d’Alep, pin parasol et cèdre. Nous faisons irruption dans une auberge de jeunes fraîchement implantée, une bâtisse nichée au milieu d’une belle réserve naturelle. «L’établissement dispose de commodités suffisantes pour permettre aux gens de venir passer quelques jours dans ce merveilleux site forestier, loin du brouhaha de la ville», nous lance le responsable de l’auberge qui attend quelque quidam de passage. Il va sans dire aussi que le climat de cet endroit se prête excellemment à la réalisation d’un sanatorium, nous susurre un passager. Nous prenons congé de cette magnifique contrée dont les senteurs d’essence de bois nous titillent les narines. Un site qui n’inspire pas moins les artistes peintres pour réaliser d’autres esquisses.

Farouk Baba-Hadji

jijel-archeo © 2002-2014

Proposé par Karim Hadji