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Jijel, Archéologie d'un espace

 


Archéologie

« Le passé n'est pas derrière nous, il est sous nos pieds » Proverbe arabe

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Archéologie en Algérie

« Pourquoi ce pays tarde-t-il
à mettre en valeur son immense
patrimoine archéologique? »

Karim Tidjani

Vestiges en Algérie

Lors de mes nombreux voyages en Algérie, notamment à travers la zone côtière, j'ai eu mainte fois l'occasion de visiter des sites naturels abritant les vestiges des civilisations passées qui ont occupés le sol Algérien. Il faut rappeler, que ce territoire et plus particulièrement la région méditerranéenne du pays, a été envahie par quasiment tous les empires coloniaux de l'histoire antique et moderne de cette zone géographique.

En effet, les phéniciens, les numides, les romains, les byzantins, les vandales les wisigothes, les arabes, les ottomans, les espagnols ainsi que les français ont à un moment donné installé leurs colonies dans l' lfriqya " avec une attention toute particulière pour "El Djazair". Le plus souvent, ce fut à des fins d'exploitation de ses immenses richesses agricoles, minérales ainsi qu'au regard de sa position hautement stratégique du fait de sa situation à cheval entre la zone occidentale de la méditerranée et l'Afrique subsaharienne. Ainsi, chacun d'entre eux ont bâtis ou rebâtis des constructions dont il reste encore, de nos jours des traces. Ce pays, rappelons-le aussi a été aussi le théâtre des confrontations entre les alliés et le régime nazi lors de la triste épopée de la seconde guerre mondiale...

Cependant, j'ai été souvent témoin de leur total abandon ainsi que du manque flagrant d'intérêt de nos autorités pour ces témoignages historiques. Que dire de la défection, ainsi que de l'irrévérence de la part d'une large part du public algérien à l'égard des rares sites qui ont été aménagés ça et là à travers le pays. Cet état de fait est fort dommageable, d'autant qu'il existe dans notre pays un trafic d'objet archéologique qui est plus que florissant au point d'alarmer de plus en plus nos autorités ainsi que tout le tissu associatif concerné.
La liste de ses sites désolés étant "tristement" longue je me garderais d'en faire l'énumération exhaustive et je prendrais seulement pour exemple le port phénicien de Birianis situé à Guerbes (wilaya de Skikda) ainsi que les vestiges numides et romains qui jalonnent les montagnes du mont Zwaoui à Ibn Ziad (wilaya de Constantine) que je connais plus particulièrement. Cette grande richesse est sûrement un des facteurs qui doit retarder ces travaux archéologiques car les services de l’INRAP ont de quoi être débordés. Mais est-ce la seule raison ? Permettez-moi d'en douter personnellement...

Dégagement d'une mosaïque

Nos responsables sont-ils tant que cela insensibles à l'Histoire universelle ?

Le peuple algérien est-il à ce point "barbare" (au sens étranger) à toute forme de culture du passé ?

Ceux qui ont tendance à vouloir faire de l'Algérie le foyer d'une sous-civilisation de nomades, de corsaires et de gens de peu de culture exempts d'une histoire propre ainsi qu' illustre auront vite fait de se faire de ces interrogations un état de fait incontestable.

Mais, quand on est comme moi d'origine algérienne, né en France et animé par une sincère affection et curiosité pour ces deux cultures qui ont construit mon identité "internationale", il est difficile de se satisfaire d'une telle stigmatisation véritable insulte à mes origines, ainsi qu'a ma modeste intelligence parce que je pense connaître la nature algérienne ( au sens figuré et propre) un peu plus que la moyenne des fils d'immigrés de ma génération (je suis né en 1972). Il m'a paru évident qu'il y avait forcément des raisons liés à l'histoire algérienne quant à cette réticence (ou bien difficulté) à développer l'archéologie dans ce pays si riches en sites dignes d'intérêt.

J'ai été, par la force de ma naissance ainsi que de mon parcours scolaire francophone, largement plus au fait de l'Histoire de France ainsi que de celle du monde occidental. Je dois avouer que mon éducation dans ce pays "d'accueil", dont je porte également la nationalité et partage de certaines valeurs, ne m'a pas vraiment permis de connaître la véritable histoire de l'Algérie pour des raisons qui paraissent évidentes au regard des rapports passionnels entre ces deux pays. Loin de moi, l'envie d'ailleurs ici de faire un procès à qui que ce soit, ce n'est pas à la France de m'apprendre le passé de la terre qui a porté en son sain des générations de mes ancêtres (illustres au passage pour qui connaît celui des Tidjanis) d'autant que, avouons-le, j’aurais du mal à croire à la véritable objectivité de la part des historiens français à ce sujet....

Aussi, à chaque fois que l'occasion s'est présentée à moi d'en savoir un peu plus sur le sujet, que ce soit lors de rencontre avec des historiens tels que M. Omar Kerdja (professeur d'histoire retraité à Tizi-Ouzou) auteur notamment d'un ouvrage _ "La conquête française du Djurdjura"_, ainsi que de nombreux passionnés d'histoire tels que mon ami Rida Elmarabet, cadre de l'administration à Skikda, ou bien encore mon amie Abla, guide et organisatrice au musée du palais du Bey Hamed de Constantine ( pour ne citer qu'eux), j'ai beaucoup appris...

Deux livres sur l'histoire de l'Algérie

J'ai aussi lu plusieurs biographies de l'Emir Abdelkader, figure à la fois emblématique et contesté (par certains) de la construction de l'identité algérienne, ainsi qu'une histoire de la régence d'Alger par les ottomans, de l'indépendance algérienne et de nombreux articles sur le net consacrés des épisodes de l'histoire de l'Algérie. Mais, je pense que, pour qui en sait bien plus que moi à ce propos, et je sais qu'ils sont heureusement légions dans ce pays , cela n'a pas n'a été pas été à même de me donner une vision globale chronologiquement cohérente du passé de mon pays d'origine.

Aussi, quand il y a de cela deux jours, je me tombé chez un libraire à Alger sur un exemplaire de l'ouvrage du Dr. S. Ferkous "Aperçu de l'Histoire de l'Algérie, des phéniciens à l'indépendance", paru aux éditions " Dar el Ouloum", je me suis empressé d'en faire l'acquisition et de le lire. En effet, le titre prometteur de ce livre, m'offrait enfin la perceptive d’avoir une vision globale et chronologique des faits historiques qui ont marqué ce pays, ce de 814 av. J.-C. à 1962.
Cependant, dès la première page de cette étude, j'ai pu deviner, que ce n'était pas ici que je trouverais une vision totalement objective du sujet puisque l'auteur y fait d'emblée référence au Coran ce qui laissait à présager une mise en valeur de la "conquête islamique de l'Algérie" par apport aux autres "occupations". "Cette étude aspire [...] à découvrir dans le cheminement historique de l'Algérie les loi par lesquelles Dieu a réglé l'histoire" est-il précisé dans l'introduction de cette chronologie.

Je suis certes croyant et fortement imprégné par la culture religieuse de mes origines. Mais, mon éducation laïque à l'école des "Lumières" de la Raison, ma profonde tolérance pour toute forme d'autre croyance monothéiste ainsi que ma propre vision de l'Islam qui est pour moi avant tout un message de paix et de fraternité universelle où la science exacte est à l'honneur ne peut se satisfaire d'une telle subjectivité. Cela ne m'a pas empêché, de lire quasiment d'une traite cet ouvrage fort intéressant, avec, je le précise encore une fois, le soucis de rester alerte à toute forme de propagande, habitué à déceler dans toute étude du passé , une volonté, même quand elle est inconsciente, de montrer le présent sous un angle bien déterminé.
De plus, dans un pays où l'Islam est reconnu par sa Constitution comme étant la seule religion de la Nation, je me suis dit que cette vision doit être en quelque sorte la version la plus courante de l'histoire de l'Algérie. Ce qui allait me permettre de mieux cerner le rapport de la majeur partie de mes compatriotes avec leur histoire et sûrement de mieux répondre à la question qui m'intéresse dans ce modeste billet, à savoir pourquoi les vestiges de toutes ces civilisations qui ont foulé le sol algérien n'ont pas été mis plus en valeur.

Autres vestiges

Il est indéniable que la chronologie du passé, en ce qui concerne l'Algérie est une longue succession d'occupations, ainsi que d'oppressions de ce peuple berbère. Il n'est pas réfutable que ni les phéniciens, ni les romains, ni les byzantins ou bien encore les vandales ne se soient occupé d'autre chose dans ce pays que de dilapider ses immenses richesses sans jamais chercher à le développer ou bien même à "civiliser" les algériens. Les ottomans, hormis la période de la régence d'Alger par les bey de la première date dont les frères "Barberousse" furent les plus illustres, n'ont eu de cesse de seulement s'enrichir au détriment de ce peuple et ce avec une politique d'oppression très agressive et méprisante alors que ces derniers ont au moins fait l'effort de construire des écoles ainsi que de l'administrer un tant soit peu . Les français, les espagnols n'ont guère fait mieux, je me demande si il est possible de prouver le contraire, bien que les premiers ont au moins laissé la langue française qui à l'instar de la langue arabe est un fabuleux vecteur de connaissances quoi qu'en disent les arabophone convaincus. On sait bien qu'aujourd'hui trop peu d'ouvrages importants sont traduits en Arabe et le sont par contre en Français. De même que l'Arabe est la clef de beaucoup de "perles" de la culture mystique ou non du passé de ce pays et de celui de l'âge d'or de l'Orient. Néanmoins, de sinistres bouchers tels que le Maréchal Bugeaud ont laissé un sinistre héritage sanguinaire qu'il sera difficile d'oublier ainsi que la difficulté qu'à eu la France à tenir ses engagements durant tout le long conflit qui s'instaura entre les algériens et leur envahisseurs. Quant à savoir si les arabes ont été des conquérants exemplaires, comme aime à le suggérer l'auteur de cette chronologie, je ne peux pas me référer à cet ouvrage pour l'affirmer, vu le manque d'objectivité de son auteur ainsi que la complexité du sujet. Il est seulement indéniable qu'ils ont laissé en héritage l'Islam et bon nombre de percepts qui sont ancrés à jamais dans la culture algérienne. Beaucoup de ceux qui ne se sentent pas arabes en Algérie, à juste titre sûrement, ont au moins en commun avec tous les autres algériens d'être musulmans ou de culture musulmane (je vous laisse libre d'en interpréter la nuance...).

Aussi, après lecture de cet ouvrage, il me paraît à présent clair que l'Algérie a du mal à digérer ces occupations puisqu'elles ont été pour la plupart et jusqu'à preuve du contraire oppressantes autant que infructueuses pour ce peuple amazigh en général. On peut comprendre, que les algériens dans leur majorité, et au regard de cette histoire, du moins telle qu'elle semble s'être déroulée (je tiens à cette précision) veulent oublier qu'ils ont été les victimes de tous les grandes civilisations méditerranéennes ainsi que de la Sublime Porte (ottomans) avec peut-être pour exception le Bey Hamed de Constantine qui fut avec l'Emir Abdelkader un des acteurs les plus reconnus de la lutte contre l'occupation française des débuts. La restauration de son palais est d'ailleurs à mon sens une des réussites de la mise en valeur du patrimoine historique algérien.

Cependant, si cette "rancune" consciente ou subconsciente peut être compréhensive, je pense personnellement que l'Algérie doit être au dessus de cela et jouer son rôle de mémoire universelle. Et prouver ainsi qu'elle est plus intelligente est plus rayonnante que ces empires passés qui n'ont pas eu la pertinence de s'intéresser à la culture de ce pays ainsi qu'à la grandeur ancestrale de ce peuple qui a porté d'illustres noms tels que Massinissa, Hannibal, Jugurtha, Ben el Annabi, Kahina, Lella Zora, Ibn Khaldoun, Mohamed Ben Abdallâh, et tant d'autres.... Le pardon n'est-il pas un des grands préceptes de la religion musulmane ?

Je suis convaincu qu'il faut absolument empêcher ces traces de disparaître, ne serait-ce, au pire que pour se remémorer les outrages passés pour qu'aucun algérien de demain ne laisse de telles occupations se reproduire... Un jour, un jeune algérien m'a interpellé dans un bus, alors que je m'exprimais avec un ami M. Kaarali en français : "Pourquoi tu parles en Français ? (il ne savait pas que s'était ma langue maternelle aussi). Les gawris tu crois qu'ils connaissent l’Arabe ?" Je lui ai répondu devant tout le monde :" Nous algériens, nous parlons le dialecte, l'arabe classique, le français, l'amazigh c'est une de nos richesses. Si le français n'a pas eu l'intelligence d'apprendre notre langue et donc de prendre de notre culture, c'est son problème...Cela le rend moins riche en quelque sorte que tous ceux qui ont ici fait l'effort de connaître la sienne !" Personne dans le car n'a eu à redire à ma réponse, surtout pas mon interlocuteur qui me sourit d'un air approbateur...

J'aimerais finir ce modeste billet par une note positive. En effet, l'Algérie semble vouloir remédier à cette défection de notre patrimoine archéologique et collabore de plus en plus avec l'étranger (dont l'UNESCO) dans ce sens. Chaque mois, on nous annonce via la presse web ou papier, la découverte d'un nouveau site ce qui est très encourageant pour la suite. Espérons que, vu l'ampleur du défi, cet élan ne s'essoufflera pas avec le temps et le nombre important de "ruines" à mettre en valeur.

Karim Tedjani
Avec son aimable autorisation
N. B.
  • Toutes les photos publiées dans cet article sont la propriété exclusive de Karim Tedjani, toute reproduction à des fins commerciales sans son accord fera l'objet de poursuites.
  • Les photos des vestiges du Mont Zwaoui à Ibn Ziad (Constantine), ont été prises grâce à la collaboration de l'association "ElMebdoue" que je tiens à saluer et remercier au passage pour son accueil.
  • Je tiens à remercier également mon ami Omar Kherja pour m'avoir offert et dédicacé son ouvrage ainsi que pour tout ce qu'il m'apprend sur l'histoire de l'Algérie.

jijel-archeo © 2013


 

 
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